Musée

Nouveau départ pour l’amitié franco-américaine

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2017 - 821 mots

Le Musée franco-américain de Blérancourt rouvre ses portes après onze années de fermeture pour travaux.

Blérancourt. Le Musée franco-américain du château de Blérancourt tourne une nouvelle page : fermé pendant onze ans, le château rouvre en triplant sa surface d’exposition. Né d’une initiative privée et philanthropique, le Musée franco-américain est devenu une institution dotée de tous les moyens d’un musée moderne. Avec un budget de 14 millions d’euros, dont 2 millions financés par les membres de l’Association des Amis de Blérancourt, l’espace d’exposition passe de 600 à 1 400 m2.

Depuis les années 1920, ce château du XVe situé à 30 km de Compiègne entretient la mémoire d’une histoire commune à la France et aux États-Unis depuis le XVIIIe siècle, s’entremêlant à la grande histoire. Édifié par l’architecte Salomon de Brosse en 1612, l’édifice est en partie démantelé à la Révolution, passant de mains en mains. C’est en 1917 que son histoire américaine commence. À cette date, les quelques bâtiments encore debout vont servir de quartier général à une section civile de l’American Fund for French Wounded, devenu en 1918 le Comité américain pour les régions dévastées (CARD). Anne Morgan (1873-1952), fille du banquier et mécène new-yorkais John Pierpont Morgan, prend les rênes de ce comité et s’attache autant au bâtiment qu’à sa mission de secours physique et moral des populations pendant la Première Guerre mondiale. En 1924, l’idée naît d’un musée d’histoire illustrant les liens d’amitiés entre la France et les États-Unis, le premier Musée de la coopération franco-américaine. Associée à Anne Murray-Dike, Anne Morgan crée l’Association des amis de Blérancourt, pour restaurer les lieux et créer un musée, qu’elle offre à l’État français en 1931.

Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le musée vivote. Dans les années 1980, une première rénovation des espaces s’impose : une nouvelle association, les American Friends of Blérancourt, se constitue outre-Atlantique pour mobiliser ressources et soutiens, en collaboration avec les Amis du musée de Blérancourt. En 1989, les architectes Yves Lion et Alan Levitt conçoivent la première extension, le Pavillon Gould.

C’est sur cette histoire riche et complexe que les équipes du musée, adossé aujourd’hui au service à compétence nationale du Domaine de palais de Compiègne, ont travaillé dès 2004 pour concevoir un parcours cohérent mêlant à la fois architecture, hommage à la fondatrice et histoire croisée des deux nations. Cette fois encore, les architectes Yves Lion et Adam Levitt sont aux commandes : leur première extension de 1989 a été récompensée par une Équerre d’Argent en 1989, on ne change donc pas une équipe qui gagne.

Un parcours mêlé d’histoire et d’architecture

Mais aux premiers coups de pioches en 2007, surprise : des vestiges datés du XVIIIe et surtout du XIIIe siècle surgissent. Les courtines d’un ancien château médiéval totalement inconnu des historiens sont mises à jour, de même que des tours d’angle, des caves, un pont de quatre arches datant du XVIIe siècle… Le chantier s’arrête plusieurs années, le temps des fouilles archéologiques et d’une reprise intégrale du projet architectural. La passerelle d’accès au nouveau bâtiment contemporain repose dorénavant sur le pont à quatre arches mis à jour lors des fouilles, en symétrie des pavillons classiques du château. Dès l’entrée, le visiteur plonge dans un mille-feuille architectural mêlant les siècles d’occupation des lieux. À l’intérieur, l’immersion continue : le parcours a littéralement englobé les courtines médiévales au niveau inférieur. Les jeux de regards et de transparence sont multipliés par des ouvertures entre les bâtiments contemporains et ceux de Salomon de Brosse. Le résultat est réussi.

S’agissant du parcours, il faut saluer le travail de pédagogie et de concision des deux conservatrices du musée, Carole Gragez et Mathilde Schneider. Des quelque 14 000 pièces que comptent les collections du musée, elles ont extrait trois sections : « Idéaux », « Épreuves » et « Arts ». Au registre des Idéaux, le siècle des Lumières, l’Indépendance américaine et le soutien français à cette démocratie naissante. Un mur et des écrans rappellent également un pan peu glorieux de notre histoire commune, la traite négrière transatlantique. Les Épreuves, la Première et la Seconde Guerre mondiale, sont traitées à travers objets, documents, représentations et photographies rappelant, s’il est encore nécessaire, le rôle prépondérant des alliés américains pendant ces deux conflits. Les Arts, réunis dans le pavillon Gould, sont l’occasion de découvrir ou redécouvrir des peintres et artistes modernes, entre Paris et New York. Quelques grands noms, comme Léger ou Calder, mais surtout des artistes moins connus, comme Bernard Boutet de Monvel ou Léon Réni-Mel, dont les œuvres se révèlent intéressantes. On y croise la figure de Léo Stein, frère de Gertrude, représentant l’âge d’or des Américains à Paris au début du siècle dernier.

Le musée espère attirer 20 000 visiteurs à l’année (contre 10 000 avant fermeture). Parmi les projets à venir, la création d’espaces pédagogiques et de réserves, dont le musée manque encore, dans l’Orangerie : les Amis français et américains du musée comptent financer intégralement le chantier de réhabilitation.

 

Musée franco-américain du château de Blerancourt,
château de Blérancourt, 02300 Blérancourt, www.museefrancoamericain.fr

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Nouveau départ pour l’amitié franco-américaine

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