Politique

Bilan

Un quinquennat culturel très contesté

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2017 - 1362 mots

À gauche comme à droite, les critiques pleuvent sur le bilan culturel du président François Hollande. Les faits semblent leur donner raison.

Audrey Azoulay, alors ministre de la Culture et de la Communication en 2016
Audrey Azoulay, alors ministre de la Culture et de la Communication en 2016
© MCC

« Alors que François Hollande avait promis de refaire de la Culture une priorité, l’inverse s’est produit. » Pour sévère qu’il soit, ce constat est pourtant le moins critique parmi toute la littérature électorale. Il est signé Arnaud Montebourg dans son programme culturel pour la primaire du PS, largement inspiré par Aurélie Filippetti, sa compagne et ancienne ministre de la Culture dudit François Hollande. Le député maire de Versailles, François de Mazières, membre de l’équipe de campagne de François Fillon parle, lui, d’une « culture sacrifiée » dans un récent livre au titre sans appel (Le Grand Gâchis culturel, Albin Michel, 2017). Propos de campagne, certes, mais quand tous les candidats, y compris les anciens ministres du quinquennat, sont à ce point si peu élogieux, le consensus semble bien établi.

Le bilan Hollande pâtit avant tout de mauvais choix à forte valeur symbolique. Le budget d’abord. Après avoir annoncé pendant sa campagne qu’il « le sanctuarisait », il a fait le contraire quelques mois plus tard en actant une baisse de plus de 4 %, suivie d’une stagnation pendant deux ans, avant une remontée en 2016 et surtout en 2017. Cette correction de tir à l’approche de l’élection présidentielle est insuffisante pour effacer le premier effet désastreux et compenser les baisses. Au total, à périmètre équivalent, ce sont près de 430 millions d’euros qui ont été supprimés en cinq ans par rapport au dernier budget de Nicolas Sarkozy. À cela s’ajoute la réduction des budgets culturels des collectivités locales, provoquée par la diminution de leur dotation publique. En découle un ressenti d’autant plus amer que les attentes du secteur culturel à l’égard d’un gouvernement de gauche sont élevées.

Trois ministres
La succession des occupants de la Rue de Valois, ministère qui, plus que tout autre, a besoin d’être incarné par une personnalité flamboyante, a également renvoyé une image hésitante. Alors que l’on s’accorde généralement sur la nécessité de donner du temps aux successeurs d’André Malraux ou de Jack Lang, le quinquennat a vu défiler trois ministres. Aurélie Filippetti commençait à peine à se faire connaître et à prendre des initiatives fortes, mais elle décide de quitter le gouvernement afin de suivre son propre agenda politique. Sa remplaçante, au profil très technocratique, Fleur Pellerin, est débarquée quinze mois plus tard, victime d’erreurs de communication, des effets d’une longue grève à Radio-France et des frais de taxi d’Agnès Saal, ex-directrice de l’INA (Institut national de l’audiovisuel). Audrey Azoulay, elle aussi énarque, connaît un peu mieux la culture pour avoir travaillé huit ans au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) puis conseillé François Hollande pendant deux ans. Mais son arrivée tardive la condamne à gérer les affaires courantes.

En 2012, 8 engagements
Sans longévité, sans proximité forte avec un président peu passionné par la culture, il était inévitable que ces trois ministres, au budget contraint, peinent à tenir les engagements de la campagne de 2012. Regroupés dans deux chapitres parmi les 60 du projet, ceux-ci sont en fait au nombre de 8, allant du plus concret et du plus simple à mettre en œuvre (revenir à un taux de TVA de 5,5 % pour le livre) à des engagements à caractère très général : un plan national d’éducation artistique, une loi d’orientation sur le spectacle vivant ou des déclarations d’intention telles que « lutter pour la survie des librairies indépendantes ». Avec le recul, on mesure à quel point ces engagements l’étaient si peu dans le détail.

À l’époque, le débat électoral s’était futilement polarisé sur la Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) que François Hollande voulait réformer tout en affirmant vouloir lutter contre le piratage et assurer une juste rémunération aux auteurs. En définitive, la Hadopi n’a pas été supprimée, elle continue à adresser des courriers électroniques ou postaux aux pirates mais ne peut plus leur couper l’accès à Internet. Si peu de mesures ont été reprises du rapport Lescure (2013), le gouvernement a cependant intensifié sa lutte contre les plateformes de téléchargement illégales tout en constatant la montée en puissance des offres de streaming (lire page 9).

La grande affaire du quinquennat a été l’Éducation artistique et culturelle, soit le serpent de mer de toute politique culturelle. Citoyens et personnalités politiques s’entendent à considérer que l’école, le collège et le lycée sont le meilleur endroit pour sensibiliser les jeunes à la musique, au théâtre, à l’art, et jugent peu efficientes les deux heures hebdomadaires de musique et de dessin dispensées au collège. Le gouvernement a mis en place en 2015 le « parcours d’éducation artistique et culturelle » : chaque classe, de la maternelle à la terminale, conduit un projet annuel ouvert sur l’extérieur (visite du patrimoine local) ou faisant appel à des partenaires (un artiste, un comédien). Si la démarche n’est pas nouvelle, il s’agit de la systématiser. Or les moyens à mettre en œuvre pour que les 12 millions d’élèves en tirent réellement profit sont considérables, bien loin des quelques millions d’euros apportés par le ministère de la Culture, lequel doit, de surcroît, composer avec le mastodonte peu agile qu’est l’Éducation nationale. En fin de parcours, le plan relève surtout des intentions, tandis que sa communication a été percutée par la réforme des rythmes scolaires à l’école primaire dont les parents retiennent essentiellement la pauvreté des activités proposées. Trop tôt, trop peu.

Le patrimoine ne faisait l’objet d’aucune promesse en 2012 et pour cause, c’est le secteur qui a le plus souffert des coupes budgétaires, à hauteur de 371 millions d’euros en cinq ans, qui se reportent en dépenses plus coûteuses sur les années à venir. Il en est ainsi de la politique des archives nationales, malmenée entre le centre de Fontainebleau fermé, celui du Marais laissé en jachère et l’asphyxie probable prochaine du site de Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis). Une impression d’inachèvement et d’indécision à peine compensée par quelques initiatives heureuses : la relance du Louvre-Abou Dhabi, le transfert des réserves du Louvre à Lens (Pas-de-Calais) ou la gestion de l’hôtel de la Marine confiée au Centre des monuments nationaux (CMN). Ces atermoiements sont particulièrement manifestes dans la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Alors que les programmes « Création » et « Patrimoine » devaient à l’origine faire l’objet de deux grands textes, l’impréparation des conseillers, la succession des ministres, la mauvaise gestion du calendrier parlementaire aboutissent à un seul texte un peu fourre-tout dont la première version hérisse les maires de tout bord. Seul le travail opiniâtre de parlementaires de tout bord aura permis que la loi ne diminue pas le niveau de protection du patrimoine et apporte du neuf dans l’architecture et l’archéologie préventive.

Nominations
L’exécutif s’est montré tout aussi conservateur que ses prédécesseurs dans l’un de ces rares privilèges qui agitent toujours autant le milieu : les nominations. Sur les vingt-cinq postes renouvelés dans le domaine des arts, on compte neuf femmes (parmi lesquelles Muriel Mayette, Laurence des Cars, Romane Sarfati, Hélène Orain, Sophie Makariou) pour seize hommes (dont Jean-Marc Bustamante, Laurent Le Bon, Jean-Luc Martinez) ; s’ajoutent quelques « recasages » de hauts fonctionnaires (Serge Lasvignes, Sylvie Hubac). Deux « têtes » sont tombées en début de mandat (Isabelle Lemesle au CMN et Olivier de Bernon au Musée Guimet), mais le pouvoir a tenu l’équilibre en reconduisant Catherine Pégard à la présidence de Versailles. Conservateur également a été le quinquennat dans la réforme des missions du ministère pourtant annoncée dans le projet de loi de finances pour 2013. Alors que nombre d’experts en appellent à un ministère stratège qui délègue à des opérateurs, ses effectifs ont augmenté, passant de 10 928 postes en 2013 (en équivalent temps plein) à 11 189 demandés pour 2017.

En définitive, comme le fait remarquer Benoît Hamon, un des anciens ministres du quinquennat et candidat du parti de François Hollande pour le remplacer, « la seule chose à sauver », c’est la reconduction de l’accord sur les intermittents du spectacle. Ce sont toujours vos « amis » qui sont les plus cruels.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°476 du 31 mars 2017, avec le titre suivant : Un quinquennat culturel très contesté

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