Art contemporain

Renaissance

Othoniel en sainteté

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2017 - 754 mots

Dans une scénographie tout en préciosité, en faste et en ors, l’artiste a confectionné un écrin au trésor de la cathédrale d’Angoulême, déployé dans trois salles rénovées.

ANGOULÊME - Il y avait un trésor à la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême (Charente). Mais il était caché car endommagé, abandonné, éparpillé. Il est désormais visible grâce à l’œuvre d’art totale justement appelée Le Trésor, réalisée par Jean-Michel Othoniel et ouverte au public depuis le 22 novembre dernier. L’aventure a commencé en 2004, lorsque l’artiste féru de littérature rend un hommage à hommage en présentant sur la scène du théâtre de la ville de Rochefort (avant le Théâtre du Châtelet à Paris), une installation, Le Petit Théâtre de Peau d’Âne, réalisée à partir des marionnettes fabriquées par l’écrivain. À cette occasion, il rencontre Thomas Kocek, alors conseiller pour les arts plastiques à la Drac (direction régionale des Affaires culturelles) Poitou-Charentes, qui lui fait part du projet de confier à un artiste la présentation du trésor. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de la restauration, commencée quatre ans auparavant, de l’état néo-roman de la cathédrale d’Angoulême, remaniée au XIXe siècle par l’architecte Paul Abadie.

En 2008, Othoniel est choisi par un comité composé entre autres de Pierre Cazenave, architecte et conservateur régional des Monuments historiques à la Drac, Mgr Dagens, évêque d’Angoulême, et Jacques Sauquet, président de l’association de la sauvegarde et d’étude du patrimoine religieux de la Charente. Le projet sera validé par le ministère de la Culture en 2010, puis, en 2012, accepté par la commission nationale des Monuments historiques. Seront ensuite menées de font les créations de l’artiste (coût : 1,2 million d’euros pour l’intégralité de la scénographie) et la longue restauration des trois salles de cette partie de la cathédrale. Ces salles sont aujourd’hui devenues les écrins du Trésor avec une entrée laïque située côté rue et une entrée religieuse, par la nef. Jusqu’alors inconnues du public, à l’abandon et non consacrées, Othoniel les a entièrement repensées. Il a choisi environ 200 objets d’art liturgique (sur les 500 que compte au total cette collection), a suivi leur restauration, puis a appliqué son écriture artistique – les perles de verre – à la réalisation du mobilier et des vitrines. Il a aussi créé des vitraux jouant sur des nuances de bleu, dessiné les motifs pour les sols et les revêtements muraux… Tout cela avec un grand souci du détail.

Théâtralité et savoir-faire
À l’arrivée le résultat est spectaculaire. Othoniel a superbement magnifié ces objets de peu de valeur, clinquants à souhait, typiques de la grande ferveur populaire et religieuse sous le second Empire. En témoignent les grandes processions paysannes ou l’Apparition de la basilique de Lourdes, des phénomènes qui incarnent la théâtralité de l’Église à la fin du XIXe siècle. « Je me suis vraiment penché sur cette période que l’on regardait peu. Et comme mon travail est basé sur un artisanat, je me suis appuyé sur les savoir-faire et sur les différentes techniques créées à l’époque pour relire toutes ces formes et donner une nouvelle vie à ces objets », précise l’artiste.

Au rez-de-chaussée, dans la chapelle Saint-Thibaud qu’il a rebaptisée « le Lapidaire », l’artiste a sollicité des brodeuses de Rochefort pour la confection d’un rideau en velours brodé avec fils d’or et agrémenté de sequins pour évoquer un ciel étoilé. Il a aussi fait réaliser des vitraux ainsi qu’une grande grille aluminium gris. Il reprend l’esprit XIXe, avec ses collections de fragments, en accrochant ceux venant des tympans de l’édifice.

À l’étage, dans la chapelle haute, la salle dite de « l’Engagement » est dédiée à la figure du prêtre. Enfin, dans la salle du clocher (un ancien grenier) dite « le Merveilleux », Othoniel a joué pleinement la partition de la pléthore. Pas de demi-mesure ici, mais une caverne d’Ali Baba et un feu d’artifice de doré, de brillance, de lumières. L’artiste a fait rouvrir sur la nef une fenêtre aveugle, fermée depuis trois cents ans, pour y installer un immense vitrail fait de plus de 10 000 pièces, et ressorti un immense christ peint couleur chair.

Le parcours est jalonné de nombreuses vitrines, pour les reliquaires, les bijoux de la Vierge, ou des ostensoirs très ostentatoires… On sent qu’en amoureux des mots il s’est fait plaisir avec les aiguières, les patènes, les calices, les encensoirs et autres thabors. Il a même composé un reliquaire pour accueillir un fragment de fémur de saint Pierre Aumaître, un jeune missionnaire décapité en Corée en 1866. Avec l’envie que son œuvre devienne une destination, un pèlerinage.

Jean-Michel Othoniel, Le Trésor

Cathédrale, place Saint-Pierre, 16000 Angoulême. Accès à l’œuvre uniquement dans le cadre de visites guidées, inscription au Musée d’Angoulême, tél. 05 45 95 79 88, mediation_musee@mairie-angouleme.fr, tarif plein 5 €.

Légende Photo :
Jean-Michel Othoniel, Le Trésor de la cathédrale d’Angoulême, vue de la salle dédiée au Merveilleux, 2016, commande publique de la DRAC Nouvelle- Aquitaine. © Photo : Yann Calvez.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Othoniel en sainteté

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