Musée - Palmarès

L’intercommunalité rebat les cartes

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2016 - 1044 mots

Le Palmarès des musées du « JdA » prend dorénavant en compte l’intercommunalité dans ses classements : Métropoles, 1er : Musée d’art moderne de la Ville de Paris ; Agglomérations, 1er : Musée des beaux-arts d’Angers ; Communautés de communes, 1er : Musée Matisse au Cateau-Cambrésis.

Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Musée des beaux-arts d’Angers, Musée Matisse : le nouveau trio gagnant du Palmarès 2016 des musées ressemble peu au Palmarès 2015. Le classement par types d’intercommunalité et l’absence des quatre grands musées nationaux parisiens (lire l’encadré) ont fait émerger de nouveaux lauréats au profil archétypal. La prise en compte de l’intercommunalité s’imposait depuis l’entrée en vigueur des récentes réformes du territoire.

Les réformes territoriales
L’État cherche depuis longtemps à favoriser la coopération communale afin de penser le développement territorial au niveau d’une agglomération (une ville-centre et ses communes périphériques) et compenser ainsi l’émiettement des 36 000 municipalités. La création des « établissements publics de coopération intercommunale » (EPCI) n’est pas récente, mais la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi Maptam) et la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ont donné un coup d’accélérateur à l’intercommunalité en obligeant toutes les communes à se regrouper et en créant 14 « métropoles ». La culture ne figure pas dans les priorités d’action des EPCI, notamment les moins intégrés (les communautés de communes), mais plusieurs d’entre eux s’en sont emparés à travers leurs compétences en matière de tourisme ou de développement économique.

La pertinence du classement par type d’intercommunalité
L’audience d’un musée dépasse largement les limites de la commune qui le possède. Les habitants des villes limitrophes profitent tout autant du musée que ceux de la ville-centre. Ainsi en est-il des habitants de Marcq-en-Barœul, en périphérie de Lille, à l’égard du Palais des beaux-arts de Lille. L’inverse est aussi vrai, la Cité de la céramique de Sèvres est beaucoup plus fréquentée par les Parisiens que par les 23 000 habitants de Sèvres. Le Palmarès des musées du JdA s’efforce depuis plusieurs éditions de relativiser les performances d’un musée par rapport à son environnement plutôt que de considérer un chiffre dans l’absolu (par exemple le nombre de scolaires). C’est pourquoi prendre pour référence le nombre d’habitants du territoire de l’EPCI plutôt que celui de la seule ville se révèle plus en accord avec la réalité du terrain.
Facultative, la compétence culturelle n’est pas pour autant négligée. Les groupements de communes ont contribué en 2010 (derniers chiffres connus) pour 0,98 milliard d’euros à la culture, ce qui représente 13,2 % des dépenses culturelles de toutes les collectivités territoriales, bien plus que pour les Régions (8,8 %). Mais les dépenses concernent surtout le spectacle vivant et les bibliothèques. En 2006 (dernier chiffre connu), les EPCI ont apporté 79 millions d’euros aux musées en finançant leur fonctionnement, voire leur construction. Le LaM - Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, situé à Villeneuve-d’Ascq, le Musée Fabre à Montpellier Méditerranée Métropole et le Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole affichent clairement le nom de leur tutelle dans leur intitulé. Les travaux du Musée de Picardie sont financés par la Communauté d’agglomération Amiens Métropole (l’usage du terme « métropole » ne présume pas toujours du statut de l’EPCI qui peut être une communauté d’agglomération, comme ici). Quant à Clermont Communauté, elle gère directement l’École supérieure d’art de Clermont et constitue même une collection d’art.

De plus en plus souvent, les musées ouvrent leurs services, pratiquent des tarifs spécifiques et offrent des accès privilégiés aux scolaires ou aux habitants de l’intercommunalité. Nice par exemple, qui a récemment restreint la gratuité d’accès à ses musées, en fait bénéficier les habitants de la métropole, tandis que le Grand Dijon a créé une carte culture spécialement pour les étudiants de la communauté urbaine. Les EPCI favorisent également la mise en réseau des équipements culturels de leur territoire et organisent des manifestations qui fédèrent tous ses équipements, comme Lille 3000 ou Montpellier Danse. Subsidiairement, si la discussion de la loi dite « création et patrimoine » a fait couler beaucoup d’encre s’agissant du « PLU patrimonial », signalons que de plus en plus de plan locaux d’urbanisme sont établis au niveau des communes regroupées (PLUi).

Le changement dans la continuité
Le classement par type d’intercommunalité épouse dans sa majorité le classement par taille de communes, avec cependant quelques effets de bords. Certaines villes de moins de 200 000 habitants (classement intermédiaire les années précédentes) rejoignent dans cette édition Paris et les métropoles (Rouen, Brest, Grenoble). De même, certains musées des villes périphériques se retrouvent en compétition avec les institutions des grandes villes – tel est le cas de la Piscine à Roubaix ou de la Cité de la céramique à Sèvres. Mais si, en raison de ce changement, il ne peut y avoir de comparaison stricte pour cette 13e édition avec le classement de l’an dernier, la position relative de chaque musée réserve de nombreuses surprises.

Le Quai Branly en pole position

Une poignée de musées nationaux n’ont pas souhaité répondre au questionnaire invoquant, après douze ans de participation ininterrompue, un désaccord avec ce type de classement (le Louvre) ou la « difficulté de répondre à des questions précises » (Musée Picasso). Cette décision prive le public de données générales sur les musées que Le Journal des Arts est le seul à collecter et publier : budget total d’acquisition des musées de France, recettes de mécénat, dépenses pour les expositions… Au risque de réduire le débat médiatique à la seule confrontation des chiffres de fréquentation, ce que déplore le Centre Pompidou, lequel n’a pourtant pas retourné son questionnaire. Précisément, malgré une baisse de 20 % du nombre de ses visiteurs payants en 2015, le Musée du quai Branly ne s’est pas dérobé à l’exercice et aurait figuré en première position du classement des métropoles. Ces absences n’enlèvent rien à la comparaison des données par musée qui constitue un précieux outil de pilotage pour les tutelles, ainsi qu’elles nous le disent régulièrement, nous encourageant plus que jamais à poursuivre cette enquête qui participe à sa manière à la modernisation des musées. J.-C. C.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°457 du 13 mai 2016, avec le titre suivant : L’intercommunalité rebat les cartes

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