Photographie

Paris Photo 2015 brisé dans son élan

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 24 novembre 2015 - 858 mots

L’interruption du salon, qui s’annonçait être d’un bon cru, en raison des attentats du 13 novembre pose maintenant la question des indemnisations.

PARIS - La 19e édition de Paris Photo sera à jamais associée aux attentats du vendredi 13 novembre au soir. L’ombre de cette tragédie planera l’année prochaine sur le vingtième anniversaire du salon. L’interruption de la foire le samedi dans un premier temps, puis sa fermeture définitive dimanche 15 novembre est sans précédent.

Paris Photo 2015 partait pourtant pour être un des meilleurs crus, tant au niveau des propositions que des ventes, voire le meilleur pour certaines enseignes. Le premier jour d’ouverture réservé aux professionnels, bien que tombant un jour ferié, avait donné le ton. Contacts, ventes et options d’achats enregistrés ce jour-là ont même pour certains été au-delà des espérances, à commencer parmi les nouveaux venus tels que les galeries Lelong, NextLevel, Les Douches pour ne citer que les Français. Cette énergie, beaucoup l’ont ressentie le jeudi et vendredi. Les visiteurs étaient plus nombreux que d’habitude, près de 40 000 sur les trois premiers jours d’ouverture, soit 16 % de plus par rapport à 2014 selon Reed Expositions son organisateur. Le week-end s’annonçait prometteur. Pour leur première édition, Florence Bourgeois et Christoph Wiesner, les deux commissaires, pouvaient se montrer plus que satisfaits. « Nous avions bien démarré », souligne Jean Frémont, PDG de la galerie Lelong au solo show consacré au Français Jean-Baptiste Huynh. « Nous avions vendu dix-sept grandes photos avec des  prix s’étageant entre 16 000 et 20 000 euros. Il était clair que nous aurions fait le double au cours du week-end. Nous attendions samedi plusieurs de nos clients de l’étranger. » Les attentats ont ramené tout le monde à une autre réalité.

« La première réaction de tout le monde, y compris de nombreuses galeries, a été on ne cède pas, on ne se couche, on reste ouvert », raconte Jean-Daniel Compain, directeur du pôle Culture, Luxe et Loisirs de Reed Expositions France. « Passée cette réaction émotionnelle, morale, on se dit que l’on va avoir des milliers de gens qui vont venir et dont on est responsable. L’an dernier nous avions eu le samedi plus de 13 000 personnes. Je ne me sentais pas le droit de faire prendre de risques à nos exposants, à nos employés et au public. » Nombre de participants espéraient toutefois la réouverture le dimanche de Paris Photo, bien que le cœur n’y fût pas. Car en dehors des grosses enseignes, le week-end permet pour la plupart de concrétiser des promesses de ventes, d’en engranger d’autres, autrement dit de garantir la couverture des frais engagés voire davantage ; éditeurs et libraires assurant pour leur part le gros de leur vente.

L’épineux problème des indemnisations
Pour toutes les parties concernées, se pose désormais la question des indemnités. Les assureurs, qu’ils soient ceux de la RMN-Grand Palais, de Reed Expositions ou des galeries (si ces dernières demandent des dommages et intérêts), vont devoir « d’abord identifier d’où vient la décision de fermer la foire, suite à ce qui doit s’appeler un cas de force majeure », explique Hadrien Brissaud, directeur associé chez Eeckman Art & Insurance. Les organisateurs de Paris Photo ont bien précisé dans leur communiqué le donneur d’ordre : à savoir le ministère de la Culture et de la Communication, tutelle de l’EPIC RMN-Grand Palais qui loue à Reed une partie de ses espaces pour l’organisation de Paris Photo. Opérateur privé qui, pendant deux jours, n’a pu ni voulu poursuivre la foire face à la menace terroriste et l’impossibilité d’assurer de jour au lendemain un meilleur système de sécurité. Sera-t-il lui même remboursé de ses deux journées de location non exploitées ? Le dossier promet d’être complexe. Au ministère, on reste silencieux sur la question.

Pour les assureurs le cas de figure est inédit. Si dès le dimanche 15 novembre, Reed s’est engagé à rembourser les billets préachetés, demeure pour les participants à Paris Photo qui ont loué leur stand pour cinq jours, la question du remboursement ou non des deux jours de fermeture de lieux, du moins du dédommagement, sachant que les galeristes ne sont assurés que pour les œuvres et ne souscrivent pas une garantie annulation ni perte d’exploitation.

Après les attentats du 11 septembre la foire de Bâle avait reporté à l’année suivante sa première édition d’Art Basel Miami Beach qui devait se dérouler du 13 au 16 décembre 2011. Choix difficile qui avait engendré pour l’organisateur une perte estimée à environ 30 millions de francs, soit 5,6 millions d’euros d’aujourd’hui. Toutes les galeries avaient été remboursées intégralement de la location de leur stand. En 2013, Art Abou Dhabi avait elle aussi indemnisé les galeries suite à la tempête de sable causant des dommages importants. Pour l’instant Reed fait le lien sur son site et soutient l’initiative d’Alain Gutharc de réaccrocher dans sa galerie sa sélection faite pour Paris Photo et à laquelle ont adhéré immédiatement Françoise Paviot et Christine Ollier de la galerie les Filles du Calvaire, puis la plupart des enseignes parisiennes retenues pour cette édition. Rendez-vous a été donné samedi 28 et dimanche 29 novembre, de 10h à 20h.

Légende photo

Dasn les allées de l'édition 2015 de la foire Paris Photo, le 11 novembre. © Photo : Marc Domage/Paris Photo.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°446 du 27 novembre 2015, avec le titre suivant : Paris Photo 2015 brisé dans son élan

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque