Musée

Céramique - Sèvres avance à petits pas vers son avenir

La Cité de la céramique ronge son frein

La Cité de la céramique dispose d’un formidable potentiel de développement, mais doit composer avec des contraintes lourdes et anachroniques.

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 27 octobre 2015 - 807 mots

La jeune Cité de la céramique, qui regroupe trois institutions historiques, aimerait bien accélérer la modernisation de son site de Sèvres en s’appuyant sur les ressources de la manufacture. Mais cette activité de production d’objets d’art, inhabituelle pour un opérateur public, est ralentie par des contraintes administratives, parfois d’un autre temps.

SEVRES - Depuis le big bang de la réunification de la Manufacture avec le Musée de Sèvres en 2006, suivi de la création de l’établissement public en 2010 et de « l’OPA » (lire JdA 7 septembre 2012) sur le Musée Adrien Dubouché à Limoges, la jeune Cité de la céramique a pris corps sous la direction de David Caméo. Romane Sarfati qui lui a succédé il y a un peu plus d’un an voudrait bien maintenant passer à la vitesse supérieure, mais doit composer avec des moyens limités et des pesanteurs fortes.

Si elle hérite d’un musée à Limoges entièrement rénové en 2012, on ne peut pas en dire autant du site de Sèvres. Les vingt-quatre bâtiments (classés monuments historiques) installés sur un grand espace de 4 hectares, à proximité de la Seine et du parc de Saint-Cloud, ont belle allure, mais nécessitent encore d’importants travaux de rénovation. Le chantier du bâtiment Roux-Spitz, une bâtisse des années 1930 va enfin commencer cette année pour un coût de 6,67 millions d’euros et une livraison en 2018. Ce futur Centre de conservation et de ressources sur les arts du feu accueillera l’ensemble des collections documentaires, les réserves, ainsi que des conservateurs et restaurateurs. Cela permettra de dégager des espaces pour le musée, qui a tout autant besoin d’être sérieusement modernisé. Or, faute de moyens, la vitrine des lieux ne sera pas restaurée avant au moins 2024. Délaissé, voire inconnu des parisiens, le musée n’accueille que 40 000 à 50 000 visiteurs payants par an. Pourtant quand la programmation met en avant des têtes d’affiche, tel Picasso en 2014, la fréquentation augmente de 38 %. L’intérêt du public pour le savoir-faire des céramistes est par ailleurs encourageant comme en témoigne le nombre important de visiteurs dans les ateliers de la manufacture. « Nous disposons de formidables atouts pour le futur », plaide Romane Sarfati. « Nous sommes tout près de Paris, notamment avec le nouveau tramway, nous jouxtons le futur pôle culturel de l’Île Seguin et les abords routiers vont être prochainement aménagés. » De fait, à la belle saison, le lieu ne manque pas d’attraits, encore faudrait-il le doter d’équipements de confort comme un restaurant, un salon de thé et une boutique.

Les contraintes de la fonction publique
Comme partout, l’argent manque pour aller plus vite. Or la Cité de la céramique jouit d’un rare privilège pour un établissement public, c’est aussi un producteur d’objets d’art. Cette activité commerciale représente environ 2 millions d’euros par an (sur un budget total de 7 millions d’euros), mais pourrait rapporter beaucoup plus. Elle repose d’abord sur la réédition de porcelaines anciennes de Sèvres qui ont fait la réputation de la manufacture. Il y a un marché pour ces pièces de très haute qualité, toutes signées de la main des « techniciens » comme ils veulent être appelés. Mais la Cité de la céramique se tourne de plus en plus vers les créations contemporaines (70 % de sa production), autant pour rajeunir son image que pour s’installer sur un marché plus porteur. Car artistes contemporains et collectionneurs s’intéressent de plus en plus aux arts du feu et l’on ne compte plus les plasticiens qui travaillent avec Sèvres dans une collaboration d’enrichissement mutuel. La Cité de la céramique a ainsi reçu une grosse commande du Louvre Abu Dhabi pour des céramiques signées Giuseppe Penone. La cité pourrait aisément multiplier par deux ou trois son chiffre d’affaires, si elle était une entreprise privée. Mais elle doit faire avec son statut d’établissement public. Son savoir-faire, qui est son atout maître en la matière, est assujetti à une obligation publique de conservatoire et de transmission des gestes et connaissances. Ensuite, et peut-être surtout, le carcan des recrutements dans la fonction publique l’empêche d’embaucher le personnel indispensable à ce développement. La cité manque de cadres dans les fonctions de recherche et développement, et plus encore dans les fonctions marketing et commerciales  indispensables pour valoriser la marque Sèvres et moderniser la vente de la production. Enfin, il n’est pas facile de changer les habitudes d’une manufacture plus que centenaire. Du côté du musée, son directeur Éric Moinet, est absent pour maladie depuis un an et l’arrivée d’un directeur du patrimoine et des collections prend du temps. Mais tout n’est pas qu’une question d’argent et de procédures, il lui faut maintenant créer une culture commune entre les trois entités qui la composent, ce qui relève d’abord de la conduite du changement. La Cité de la céramique a des moyens contraints, mais elle a un avenir. C’est déjà cela.

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La Cité de la Céramique, Sèvres. © Photo : Laure Babiker.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°444 du 30 octobre 2015, avec le titre suivant : La Cité de la céramique ronge son frein

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