Bruxelles

Un futur réaliste

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2015 - 568 mots

C’est un avenir plutôt sombre que décrivent les Musées royaux des beaux-arts de Belgique à l’aide d’œuvres très littérales.

BRUXELLES - Alors que Paris regarde le passé et le présent, Bruxelles s’intéresse à la partie prospective de l’ouvrage de Jacques Attali, dans une version très affranchie. L’exposition « 2050, une brève histoire de l’avenir », présentée aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique (MRBAB), puise dans les cinq étapes menant à l’année 2050 quelques thématiques fortes, au risque de dénaturer la thèse d’Attali : le déclin de l’empire américain, la dictature du marché, les guerres mondiales.

Il en ressort une vision souvent sombre du présent et du proche avenir que l’essayiste a tenté de compenser en demandant aux deux commissaires d’introduire quelques œuvres plus optimistes. C’est là l’une des raisons de la présence de cette vidéo sur les lampes solaires d’Olafur Eliasson dont l’achat permet de vendre en Afrique une lampe à prix abordable. L’atmosphère paraît d’autant plus lourde que les œuvres sont très littérales et explicites. « Nous sommes dans un musée, expliquent Jennifer Beauloye et Pierre-Yves Desaive, les deux commissaires, ce n’est pas une biennale. Nous nous adressons à un public d’art ancien que nous voulons sensibiliser à l’art contemporain. »

On trouve donc beaucoup d’œuvres classiques qui ont le mérite d’illustrer efficacement le propos : une accumulation d’ampoules pharmaceutiques d’Arman symbolise le recours massif aux drogues, une photographie bien connue d’Andreas Gursky représente un hypermarché, une carte du monde par Alighiero Boetti brodée en Afghanistan évoque les conflits mondiaux. Et David LaChapelle dépeint une station-service désertée dans une nature qui a repris ses droits (Gas Shell, 2012).

La haute finance et les SDF
Parfois les œuvres entrent au chausse-pied dans le sujet, telle la suite de chiffres de Roman Opalka (en l’occurrence la séquence de 1965, 1556343-1574101) qui matérialise le temps qui passe, indépendamment de sa valeur marchande, objet de la section. Certains procédés rebattus auraient gagné à être plus discrets. On ne compte pas moins de quatre œuvres figurant des bâtiments religieux ou un trône fabriqués à partir d’armes et de munitions, usant ici d’une symbolique simplette.
Paris et Bruxelles partagent de nombreux thèmes communs. Les attentats du 11 septembre 2001 sont de ceux-là. Alors que le Louvre présente une lithographie (1975) de Joseph Beuys sur les Twin Towers, les Musées royaux ont fait appel à Hiroshi Sugimoto pour représenter le World Trade Center (1997). Dans les deux cas, les commissaires voudraient y voir des œuvres de préfiguration du désastre à venir. En revanche, c’est par pure coïncidence qu’ils ont emprunté l’un et l’autre au répertoire de Mark Lombardi (1951-2000), lequel cartographie les réseaux occultes d’influence, celui de l’armement de l’Irak dans les années 1989 et 1990 au Louvre, celui des milieux financiers aux Musées royaux. La haute finance d’un côté, les SDF de l’autre, toutes les catégories sociales sont représentées à Bruxelles, en témoigne ce sac de couchage sale qui pourrait être celui d’un migrant et qui se révèle être fabriqué en bronze. Une œuvre de Gavin Turk (Nomad, 2003) dont s’est peut-être inspiré Andreas Lolis pour évoquer en taillant dans le marbre une cabane de sans-abri faite de carton, présentée à la Biennale de Lyon 2015.

2050…

Commissaires : Jennifer Beauloye, docteure en histoire de l’art et chercheuse post-doctoral en muséologie et nouvelles technologies ; Pierre-Yves Desaive, responsable médias numériques & art contemporain ; Jean de Loisy, conseiller scientifique ; Jacques Attali, conseiller scientifique

2050, une brève histoire de l’avenir, Musées royaux des beaux-arts de Belgique

Jusqu’au 24 janvier 2016, 3 rue de la Régence, Bruxelles, www.fine-arts-museum.be, www.expo-2050.be, du mardi au vendredi 10h-17h, sam.-dim. 11h-18h, entrée 14,50 €. Catalogue, voir notice ci-dessus.

Légende Photo :
David LaChapelle, Gas Shell, 2012, c-print sur dibond, 137 x 222 x 6,5 cm. © David LaChapelle Studio, courtesy Jablonka Maruani Mercier Gallery.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°443 du 16 octobre 2015, avec le titre suivant : Un futur réaliste

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