Art contemporain

Itinéraire

Le dédale de Buenos Aires

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 1 septembre 2015 - 448 mots

La Maison rouge s’aventure dans la capitale argentine et sa dynamique artistique, et s’y perd quelque peu.

PARIS - En ouverture de « My Buenos Aires », à la Maison rouge à Paris, un jeune homme monte et descend des escaliers qui, dans un montage parfait, s’enchaînent à l’infini jusqu’à presque en donner le tournis. Cette entrée en matière avec ce film de Sebastián Díaz Morales (Pasajes #2, 2012) fait écho au caractère dédalique de l’âme argentine ; tout comme plus loin une étrange installation d’Eduardo Basualdo, une cabane calcinée dans laquelle le spectateur se fraye un chemin entre portes et couloirs et qui s’achève dans une pièce où sont suspendus des sculptures et des bonzaïs morts (La Isla, 2007-20014). Saisissante est cette vidéo de Fabio Kacero dans laquelle l’artiste fait le mort dans divers endroits de la ville sans ne susciter aucune réaction, comme si le pire faisait partie du quotidien (Totloop, 2003). Une intervention également réussie de Diego Bianchi qui a caché des sculptures dans les murs, ouverts par des trous situés en des endroits parfois incongrus.

Avec une soixantaine d’artistes, il y a beaucoup à voir dans la proposition émise par Paula Aisemberg et Albertine de Galbert, mais les belles œuvres ne masquent pas la grande inégalité de l’ensemble. C’est le cas dans une salle à l’atmosphère un peu sombre, où cohabitent avec succès sur le sol un carré en marbre empli d’encre par Martín Legón, provoquant le trouble et une chute sans fin du reflet (Principes pour un manifeste spectaculaire, 2012), et un beau tableau d’Eduardo Stupia, sorte de forêt menaçante et sombre (Nocturne, 2006). Mais le bel équilibre est brisé par une grotesque momie noire de Nicanor Aráoz, suspendue au plafond et couronnée d’un néon évoquant un nuage ou une aile, qui ne semble jouer que sur sa facile expressivité. Trop d’œuvres cherchent des effets qui se révèlent plats, tels ces masques en plâtre de Valeria Vilar que le visiteur doit écraser afin de lui suggérer un inconfort de pacotille, ou ces navrantes vidéos d’Eugenia Calvo qui cherche l’étrange en mettant sens dessus dessous son chez elle.

Si l’exposition tente de capter une sensation du bouillonnement artistique de Buenos Aires, elle le fait sans autre axe qu’une dissertation sur le labyrinthique et le tragique. Certes, il y a beaucoup de cela à Buenos Aires, ville tortueuse et paradoxale, qui souvent s’est rêvée plus européenne que latino-américaine, tourne le dos au fleuve qui la longe, et fut secouée par la dictature avant de l’être par l’une des pires crises économiques du début du XXIe siècle. Mais à force de trop tirer sur le fil du labyrinthe à la Borges, l’on finit par s’y perdre.

MY BUENOS AIRES, jusqu’au 20 septembre, La Maison rouge, 10, boulevard de la Bastille, 75012 Paris, tél. 01 40 01 08 81, www.lamaisonrouge.org, tlj sauf lundi-mardi 11h-19h, jeudi 11h-21h, entrée 9 €. Catalogue éd. Fages éditions, 240 p., 25 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°440 du 4 septembre 2015, avec le titre suivant : Le dédale de Buenos Aires

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