Justice

Plagiat

Jeff Koons accusé de contrefaçon

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 31 décembre 2014 - 618 mots

PARIS

« Naked » et « Fait d’hiver », sculptures de l’artiste désormais invisibles au Centre Pompidou, pourraient faire l’objet d’actions en contrefaçon initiées par les ayants droit d’un photographe et par un publicitaire.

PARIS - La rétrospective consacrée par le Centre Pompidou à l’œuvre de l’artiste américain Jeff Koons a été amputée de deux pièces dès les premières semaines de son ouverture. Toutes deux, Naked et Fait d’hiver, font désormais l’objet de soupçons de contrefaçon au préjudice de deux auteurs français, respectivement Jean-François Bauret et Franck Davidovici. Si la première n’a jamais été exposée, en raison d’un léger endommagement lors du transport, la seconde a été retirée à la demande de son propriétaire après qu’un huissier de justice eut procédé le 11 décembre dernier à un constat au sein du musée et pris connaissance de l’identité du propriétaire. Néanmoins, les deux situations diffèrent en raison du cadre d’activité des auteurs des œuvres appropriées par Koons.

Jean-François Bauret a mené, jusqu’à son décès en janvier 2014, une carrière de photographe, exposant notamment en galerie et dans les musées. Son épouse et ayant droit, Claude Bauret-Allard, soutient que l’œuvre Naked (1988), sculpture en porcelaine représentant un garçon et une fille âgés de 8/10 ans et nus, s’inspire très directement d’un cliché du photographe visible sur son site et représentant lui aussi deux enfants nus dans des positions identiques. Naked n’est désormais visible qu’au sein du catalogue d’exposition, permettant ainsi d’agir en justice en raison de la reproduction de l’œuvre arguée de contrefaçon.

Les limites de l’appropriation
Fait d’hiver de Franck Davidovici, auteur des campagnes de publicité de la marque Naf Naf pendant près de dix années, soulève davantage de difficultés malgré les très nombreuses similitudes avec l’œuvre du même nom de Koons, datant de 1988. Ainsi, la publicité réalisée pour la campagne automne-hiver de 1985 représente une jeune femme allongée dans la neige, victime d’une avalanche. À son chevet se trouve un petit cochon saint-bernard, un tonnelet autour du cou, approchant son groin de la chevelure. Dans l’œuvre en porcelaine, l’ordonnancement des personnages est identique, seuls des détails vestimentaires propres à l’univers du plasticien américain, ainsi que la présence de deux manchots, permettent de différencier les réalisations. Le travail de Davidovici s’inscrit donc dans le cadre d’une commande publicitaire, nécessitant au profit de l’annonceur une cession des droits patrimoniaux afin de pouvoir exploiter la campagne, conformément aux dispositions de la loi du 3 juillet 1985. En outre, le publicitaire n’est pas l’auteur de la photographie réalisée au profit de la marque. Il possède uniquement la qualité d’auteur de la campagne, dont la représentation a été fixée de manière originale par un photographe. Or, les droits attachés à cette photographie ont été opportunément cédés au publicitaire en 2012, lui permettant désormais d’envisager une action en contrefaçon. Une éventuelle difficulté pourrait encore persister quant à la répartition des droits entre Naf Naf et Davidovici.

De telles accusations ne sont pas nouvelles à l’encontre de Koons et de sa série « Banality » (1988) à laquelle appartiennent les œuvres incriminées. Outre-Atlantique, l’artiste avait déjà été condamné pour contrefaçon pour deux autres sculptures de la série, String of Puppies et Wild Boy and Puppy. L’art de l’appropriation, qui guide « Banality », trouve une nouvelle fois ses limites dans le respect des droits de l’auteur de l’œuvre première (JdA no 410, 28 mars 2014), l’exception de parodie n’ayant guère vocation à prospérer ici, notamment au vu de l’arrêt de la CJUE du 3 septembre 2014. La Cour avait alors pris le soin de rappeler qu’une telle exception a pour caractéristiques essentielles d’évoquer une œuvre préexistante, tout en présentant des différences perceptibles par rapport à celle-ci, et de constituer une manifestation d’humour ou une raillerie.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°426 du 2 janvier 2015, avec le titre suivant : Jeff Koons accusé de contrefaçon

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