Royaume-Uni - Foire & Salon

Foire

Frieze se « masterise »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2014 - 743 mots

L’assagissement progressif de Frieze tend à la rapprocher de sa bouture Frieze Masters. Les transactions y sont restées d’un bon niveau.

LONDRES - Franco Noero (Turin) n’en revenait pas : « Depuis onze ans, c’est la première fois que le sol est droit et cela fait une énorme différence ! », s’exclamait-il à l’ouverture de la 12e édition de Frieze London, qui s’est tenue du 15 au 18 octobre. L’assagissement progressif de la foire constaté depuis deux ans qu’a été lancée Frieze Masters s’est encore poursuivi, avec une architecture plus lumineuse et des exposants qui sont rentrés dans le rang, en termes d’accrochages, mais pas vraiment de propositions. Car du point de vue strictement qualitatif, c’est toujours un niveau global assez moyen qui a caractérisé le salon, avec beaucoup de formules éprouvées et partout comme une agaçante nécessité de l’immédiateté de la lecture, ainsi combien de stands souvent moins bien sentis et pensés que dans d’autres foires ; à l’instar de celui de David Zwirner (New York, Londres) sur lequel trois solos de Francis Alÿs, Wolfgang Tillmans et Oscar Murillo sonnaient creux. Si souvent l’œil glissait tout en peinant à se fixer sur quelque chose, les prix eux arrêtaient l’attention, avec beaucoup de montants autour  de 20-30 000 dollars demandés pour des artistes jeunes et aux curriculum vitae assez maigres, lorsque par exemple The Box (Los Angeles) proposait entre 8 000 et 25 000 dollars des œuvres de Barbara T. Smith exécutées avec un photocopieur en 1965-1966 : cherchez l’erreur !
Mais comme les années se suivent et ne se ressemblent pas forcément, c’est la section Focus dédiée aux jeunes enseignes, souvent médiocre, qui a constitué une très belle surprise. Dirigée par le Suisse Raphael Gygax, elle faisait montre d’une belle inventivité sans céder aux pressions de la mode ou des clichés, laissant s’enchaîner des propositions pertinentes sur les stands de Gregor Staiger (Zürich), Dan Gunn (Berlin), Leo Xu Projects (Shanghaï) ou Jacqueline Martins (São Paulo) entre autres.

Un public international et exigeant
Mais la force de Frieze demeure sa clientèle et la qualité de ses visiteurs. Tropisme anglo-saxon oblige, un très imposant contingent de conservateurs et directeurs d’institutions américaines arpentait les allées, dont la plupart ne continuaient pas leur séjour en Europe pour visiter la Fiac. Sa nature géographique continue en outre d’attirer des acheteurs de tous bords aux motivations très diverses, avec parmi eux nombre de collectionneurs poids lourds. Guillaume Sultana (Paris), qui a cédé des pièces d’Olivier Millagou et Naufus Ramirez-Figueroa (à San Francisco, Los Angeles, Phoenix et São Paulo) se félicitaient de « la qualité du public et des collectionneurs, avec des prises de contact rapides et faciles. » Tandis que Chantal Crousel (Paris) relevait que « Londres est une ville d’argent, il ne faut pas s’en cacher, ce qui amène un mélange de collectionneurs et d’investisseurs. C’est un lieu où les Russes et les gens originaires du Moyen-Orient notamment se sentent bien, et où il n’y a pas de barrière de la langue comme en France ; la foire offre des propositions diverses à cette multiplicité. » Si nombre de marchands se sont commercialement montrés satisfaits, certains à l’instar de Thomas Krinzinger (Vienne) ont relevé que « Frieze Masters attire un nouveau public très international qui achète aussi du contemporain. » Pour sa troisième édition cette dernière a continué de tracer son sillon de l’excellence, avec la diversité d’époques et de langages qu’on lui connaît désormais et qui la rend si singulière dans les relations qu’il est possible d’y établir. L’une des attractions du salon fut l’immanquable stand de Helly Nahmad (Londres), reconstitution imaginaire de l’appartement d’un expatrié italien installé à Paris en 1968, dans le désordre duquel émergeaient Morandi, Fontana, Burri, Picasso ou Dubuffet. Remarquables étaient aussi les pièces majeures de l’Arte povera exposées par Marian Goodman (New York, Paris, Londres), ou les maîtres coréens de l’abstraction – Young-woo Kwon, Seo-Bo Park, Hyongkeun Yun… – par Blum & Poe (Los Angeles, New York). Mais contrairement à la rumeur, un exposant de la première heure relativisait le succès commercial de la manifestation, en confiant que « les deux premières éditions n’ont pas été un délire commercial, mais [que] cette foire est très bien pour l’image et [qu’elle] installe quelque chose de nouveau. »

Il sera intéressant de voir comment Victoria Siddall, sa directrice qui prend également les commandes de Frieze London et New York après le retrait de ses fondateurs Matthew Slotover et Amanda Sharp, fera évoluer l’ensemble.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°422 du 31 octobre 2014, avec le titre suivant : Frieze se « masterise »

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