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Les enchères marquantes de 2013 dans le monde

Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2014 - 1303 mots

À l’international, les prix s’affichent en centaines de millions d’euros. Sans surprise, c’est Londres et New York qui enregistrent des records, à commencer par un triptyque de Bacon qui rate de peu l’enchère du siècle.

Art islamique / New York

Clark Sickle-Leaf Carpet, tapis persan du début du XVIIe siècle. Estimé 5 à 7 millions de dollars, adjugé 33,7 millions de dollars (24,5 millions d’euros), le 5 juin à New York chez Sotheby’s

Il s’agit d’un record mondial pour un tapis et de la plus forte enchère mondiale en art islamique. Ce tapis, réputé être l’un des plus beaux au monde, doit son surnom à l’industriel américain et sénateur du Montana William A. Clark (1839-1925), qui en fut l’un des propriétaires, et à ses motifs de feuilles en forme de faucille. Il était mis en vente par la Corcoran Gallery of Art de Washington, fondation en proie à des difficultés financières récurrentes. La vacation comportait 24 autres tapis provenant initialement de la collection Clark, léguée à l’institution en 1926. Quatre enchérisseurs se sont battus pendant plus de dix minutes, mais la plus haute enchère a été remportée au téléphone. Selon la maison de ventes, le tapis, venant probablement de Kerman dans le sud-est de l’Iran, serait le seul connu à ce jour avec un fond rouge.

Le précédent record était détenu par un tapis persan du milieu du XVIIe siècle, vendu 6,2 millions de livres (4,5 millions d’euros) (1) en avril 2010, à Londres chez Christie’s. Il s’agissait également d’un record pour un objet d’art islamique vendu aux enchères.

Marie Potard




Livres anciens / New York

Bay Psalm Book, livre de psaumes de 1640. Estimé 15 à 30 millions de dollars, adjugé 14 millions de dollars (10,3 millions d’euros), le 26 novembre à New York chez Sotheby’s

n La première édition du Bay Psalm Book a été imprimée en 1640 dans la baie du Massachusetts, à 1 700 exemplaires, par des pèlerins puritains à Cambridge, ceci deux ans après l’acheminement depuis Londres de la première presse d’imprimerie. L’ouvrage fait partie des 11 copies connues de cette édition et est considéré comme le premier ayant été publié sur le territoire américain. Depuis le 26 novembre, c’est le livre le plus cher du monde vendu aux enchères. Ce record détrône le précédent, détenu par une première édition des Oiseaux d’Amérique, du naturaliste Jean-Jacques Audubon, acheté en décembre 2010 chez Sotheby’s Londres pour 11,5 millions de dollars (8,6 milions d’euros) par le marchand d’art londonien Michael Tollemache.

Adjugé en dessous de son estimation initiale, le livre de psaumes a été acquis par David Rubenstein, le milliardaire américain fondateur du fonds d’investissement Carlyle Groupe. En 2007, il avait déjà acheté la « Magna Carta » pour 21,3 millions de dollars. Quant au vendeur, il s’agit de l’église de Boston, la Old South Church. Aucun exemplaire du Bay Psalm Book n’avait été mis aux enchères depuis 1947. À l’époque, la vente avait déjà battu tous les records pour un livre imprimé, adjugé alors 151 000 dollars.
M. P.



Peinture ancienne / Londres

Jean-Honoré Fragonard, Portrait de François Henri d’Harcourt, 1769, huile sur toile, 81 x 65 cm. Estimée 15 millions de livres, adjugée 17 millions de livres (20,5 millions d’euros), le 5 décembre à Londres chez Bonhams


Fait à noter, en 2013, en peinture ancienne, la bataille n’a pas eu lieu, comme à l’accoutumée, entre Christie’s et Sotheby’s puisque c’est Bonhams qui a obtenu la meilleure enchère de l’année dans cette discipline. Le Portrait de François Henri d’Harcourt de Fragonard est également un record mondial pour l’artiste. « C’est un prix magnifique, d’autant que l’estimation était astronomique. Cela veut dire qu’aujourd’hui, quand un tableau répondant à tous les critères de sélection se présente sur le marché, la maison de ventes en obtient le prix qu’elle souhaite », commente Éric Turquin, expert en tableaux anciens. Cependant, les spécialistes du marché s’accordent à dire que les tableaux de première importance se raréfient de plus en plus. Pierre Étienne, directeur du département de tableaux anciens chez Sotheby’s Paris, confirme : « Le marché est plus dur, donc il y a moins de tableaux. » À cette donnée, s’ajoute un tassement du nombre de collectionneurs dans cette spécialité.
M. P.



Art moderne / New York

Alberto Giacometti, Grande tête mince (grande tête de Diego), 1954, sculpture en bronze, H. 65 cm. Estimée 35 à 50 millions de dollars, adjugée 50 millions de dollars (36,7 millions d’euros) le 6 novembre à New York chez Sotheby’s


L’art moderne a connu en 2013 une année sans Cri – l’œuvre d’Edvard Munch avait défrayé la chronique en 2012 en se vendant 88 millions d’euros –, mais surtout des résultats contrastés, oscillant entre records et déceptions. Les ventes de novembre à New York ont illustré cette tendance. Si la vente Jan Krugier s’est soldée par un semi-échec chez Christie’s, Sotheby’s s’est offert une pluie de records, prouvant que la clé du succès résidait dans la combinaison entre fraîcheur sur le marché, qualité et estimations raisonnables. C’est au sein de cette vacation que figurait la Grande tête mince d’Alberto Giacometti, proposée entre 26,1 et 36,8 millions d’euros. La sculpture en bronze de 1954 est le dernier exemplaire d’une série de 6, dont l’une a été cédée 40,3 millions d’euros chez Christie’s New York en 2010. C’est la galerie new-yorkaise Acquavella qui s’est portée acquéreur de l’œuvre pour 36,7 millions d’euros, troisième meilleur prix pour l’artiste, dans la fourchette haute de l’estimation. Une nouvelle preuve de la sélectivité du marché.
Éléonore Théry




Art impressionniste / Londres

Claude Monet, Le Palais Contarini, 1908, huile sur toile (73 x 92 cm). Estimée 15 à 20 millions de livres, adjugée 19,6 millions de livres (23,5 millions d’euros) le 19 juin chez Sotheby’s


Sotheby’s a réussi son effet en proposant Le Palais Contarini de Monet lors de la session londonienne d’art impressionniste et moderne en juin. Avec cette huile estimée entre 14,5 et 23,4 millions d’euros, la maison a démontré que des chefs-d’œuvre impressionnistes pouvaient encore passer en vente publique, dans un marché très installé, marqué par la raréfaction croissante des pièces muséales.

La toile, tirant entre le bleu et le mauve, offre une vue superbe de la lagune de Venise. Ce fort bel exercice de recherche sur la lumière a bénéficié de multiples expositions à travers le monde, notamment au Grand Palais en 2010-2011. Les résultats ont été à la hauteur des espérances avec une adjudication à 23,5 millions d’euros, dans la fourchette haute de l’estimation. Cette belle performance a permis à la toile de se hisser en tête des œuvres impressionnistes les plus chères de l’année. Elle a également assuré une importante plus-value à son vendeur, la famille Nahmad, qui avait acquis la toile pour environ 4,6 millions d’euros (valeur réactualisée) chez Christie’s New York en 1996.
É. Th. 



Art d’après guerre et contemporain / New York

Francis Bacon, Three studies of Lucian Freud, 1969, huile sur toile, 198 x 147,5 cm. Estimée 85 millions de dollars, adjugée 142,4 millions de dollars (104,5 millions d’euros) le 12 novembre, à New York chez Christie’s


Symbole des prix faramineux obtenus dans l’art contemporain en 2013, Three studies of Lucian Freud de Francis Bacon a atteint 104,5 millions d’euros chez Christie’s New York en novembre, largement au-delà son estimation. Le triptyque sur fond jaune, emblématique de la relation entre les deux artistes, n’avait pas été vu depuis 1971, date de son exposition au Grand Palais. Remportée par la galerie américaine Acquavella, l’œuvre a presque doublé le record pour l’artiste, établi à 55,6 millions d’euros en 2008. Mais malgré les commentaires en ce sens, l’huile n’a pas battu celui de l’œuvre la plus chère en vente publique : en tenant compte de l’inflation, il s’agit toujours du Portrait du docteur Gachet de Van Gogh, vendu 82 millions de dollars par Christie’s en 1990, soit près de 110 millions d’euros actuels. L’œuvre la plus chère du monde reste une des versions des Joueurs de cartes de Cézanne, cédée pour 191,5 millions d’euros lors d’une transaction privée en 2012. Mais la vente d’art contemporain de Christie’s et son résultat inédit de 515,5 millions d’euros démontre une nouvelle fois la santé insolente de l’art contemporain et appellent une question : jusqu’où pourra bien grimper le marché ?
É. Th. 

(1) Les estimations sont annoncées hors frais et les adjudications, frais compris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°405 du 17 janvier 2014, avec le titre suivant : Les enchères marquantes de 2013 dans le monde

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