À la conquête d’Art Basel

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2013 - 1297 mots

La quinzaine de galeries françaises sélectionnées pour la Foire d’art contemporain de Bâle sort ses plus beaux atouts pour un événement à forts enjeux.

Sur les 50 % de marchands européens que compte la 44e édition d’Art Basel, une quinzaine de galeries françaises sont présentes. Chacune s’accorde à donner un statut à part à la foire parmi ses consœurs internationales. « C’est “LA” foire », résume Édouard Merino chez Air de Paris. Avec un ticket d’entrée élevé (plus de 500 euros le mètre carré), la barre est haute pour rentrer dans ses frais. Les attentes de retombées commerciales sont importantes. « Si l’année est mauvaise, Bâle peut rattraper », explique Diane Lahumière, pour qui Art Basel représente environ 20 % de son chiffre d’affaires annuel. « C’est là qu’on rencontre une grande partie de nos clients », témoigne Catherine Gallois, de la galerie Denise René. La Galerie 1900-2000 réalise même grâce à sa participation 40 % de son chiffre d’affaires de l’année.
Mais les enjeux vont bien au-delà des intérêts financiers. « Il faut être à Bâle, c’est l’une des rares foires où, si nous ne gagnions rien, nous n’hésiterions pas à revenir », confie François Dournes, de la Galerie Lelong. « Pour assurer une présence internationale à la galerie, et donc à nos artistes, c’est devenu un rendez-vous incontournable. Participer à une telle foire n’est pas seulement une question de rentabilité à court terme, c’est essentiel pour le développement à long terme d’une galerie », analyse Anne-Claudie Coric, directrice de la galerie Templon. Être présent à Bâle permet de développer l’aura internationale des artistes ; pour ces derniers, les enjeux sont également institutionnels. « Bâle amène beaucoup de choses, et pas forcément dans l’immédiat : la foire permet aussi de trouver des expos pour les artistes, ou des curateurs », explique Édouard Merino.

« Les plus belles pièces »
Compte tenu de ces enjeux et face aux plus grandes galeries internationales, comment les galeries françaises s’y prennent-elles ? La course se joue très en amont. « Nous préparons Bâle six mois à l’avance, c’est un projet que l’on crée plutôt que des pièces présentées en vis-à-vis », indique Kamel Mennour. Pour le secteur d’éditions de la Galerie Lelong, le programme est établi parfois un an avant la foire.
Règle du jeu incontournable, les galeries destinent leurs meilleures pièces à Art Basel. « À Bâle, il faut pouvoir proposer les plus belles pièces pour chaque artiste, qu’il soit confirmé ou émergent », confirme Olivier Belot chez Yvon Lambert. Pour Art Basel, il faut de l’exceptionnel, du rare, de l’inédit. Ainsi Lelong fait-il cohabiter des œuvres de Jaume Plensa, montrées jusqu’à présent uniquement en Finlande, avec une pièce historique d’Hélio Oiticica. Sont proposées à la Galerie 1900-2000 des œuvres de Ray Johnson, Carl Andre ou Tetsumi Kudo ; chez Kamel Mennour, une pièce historique de Daniel Buren et une œuvre de Claude Lévêque réalisée en 2013 ; sur le stand de Jocelyn Wolff, Two Boxes Opposite, de Franz Erhard Walther, pièce unique de 1971 jamais montrée dans un contexte commercial.
« On doit apporter des pièces qui correspondent à notre identité mais qui peuvent étonner », renchérit Diane Lahumière, qui vient notamment avec une rare pièce de Naum Gabo. La galerie Denise René expose quant à elle une œuvre de Julio Le Parc datée de 1967 et une « Physichromie » de Carlos Cruz-Diez, quand Yvon Lambert présente une série de dessins de Carl Andre de 1975, une peinture de Niele Toroni de 1970 et, pour la première fois, des photos de Mircea Cantor prises pendant le tournage de la vidéo Sic Transit Gloria Mundi (2012), réalisée dans le cadre du prix Marcel Duchamp. À voir également, une nouvelle pièce de Philippe Parreno chez Air de Paris, des travaux de Martin Barré et un ensemble de sculptures et peintures de Sarkis chez Nathalie Obadia, les derniers autoportraits de Takashi Murakami à la galerie Perrotin, ou encore Georg Baselitz, Joseph Beuys ou Alex Katz sur le stand de Thaddaeus Ropac.

La tendance : vers une meilleure lisibilité
Les galeries ont également tendance à coller à l’actualité des expositions. « Bien évidemment, le choix des artistes est également lié à leur actualité muséale ou, comme cette année, à leur présence à la Biennale de Venise », indique Olivier Belot. Ainsi de Lawrence Weiner, sur le stand d’Yvon Lambert et actuellement présenté dans la cité des Doges, d’Anthony Caro chez Templon avant le Museo Correr à Venise cet été, de Camille Henrot dont les nouvelles sculptures sont proposées par Kamel Mennour en contrepoint de Venise, ou du stand de Denise René qui bénéficiera de l’effet « Dynamo » auprès des acheteurs. Sans oublier Anri Sala, représentant français de la Biennale présenté par Chantal Crousel. Pour les contemporains, l’équilibre doit résider entre créateurs confirmés et jeunes artistes. « Notre exposition conforte les jeunes et les moins jeunes », avance ainsi Kamel Mennour.
Tendance notable chez plusieurs galeries, aller vers une meilleure visibilité : moins de pièces pour mieux voir. Présent pour la première fois dans le secteur des galeries, Jocelyn Wolff apporte ainsi seulement huit pièces, et aucun stock. « Mon angoisse n’est pas de ne pas réussir à les vendre, mais plutôt de ne pas avoir la même qualité de pièces l’an prochain », confie pourtant le galeriste.
“Unlimited”, secteur réservé aux œuvres de grande dimension, offre cette année une belle vitrine pour les galeries françaises : Lionel Estève est présenté chez Perrotin, Alfredo Jaar par Lelong, Wolfgang Laib chez Thaddaeus Ropac ou He An par Templon. La palme revenant à Kamel Mennour dont cinq projets, parmi lesquels celui de Gina Pane, ont été sélectionnés. Deux galeries françaises sont également présentes au sein des structures satellites à l’espace des galeries, Gaudel de Stampa dans les “Statements” et Pietro Sparta dans le secteur “Feature”.

Les galeries françaises présentes à Design Miami/Basel

La 8e édition de Design Miami Basel, sœur de l’édition floridienne du mois de décembre, propose du moblier du XXe et XXIe siècle en parallèle d’Art Basel. Cette concomitance est judicieuse puisque « Bâle fait déplacer la planète entière des collectionneurs dont beaucoup s’intéressent au mobilier », affirme Jacques Lacoste, qui participe à la foire depuis 2008. « Aujourd’hui, c’est un des plus grands salons de design et de mobilier, d’autant plus qu’à Maastricht [Tefaf], le XXe siècle n’est pas très bien représenté et que les autres événements parisiens ne font pas déplacer autant de monde. » Pour Pascal Cuisinier, dont c’est la première participation, « Bâle et Miami, c’est un peu le sommet de ce qui se fait en design pointu dans le monde, avec des galeries haut de gamme et une sélection de très haut niveau ». Cette année, le salon s’installe dans le hall 1 sud, dans une partie du nouvel espace dessiné par les architectes suisses Herzog & de Meuron. 40 galeries présentent des pièces uniques ou au passé prestigieux, ou encore des prototypes rarissimes, depuis les années 1900 jusqu’à aujourd’hui. Parmi elles, 15 sont françaises : les galeries Downtown-François Laffanour, Patrick Seguin, Franck Laigneau, Jousse Entreprise, Anne-Sophie Duval… La galerie Jacques Lacoste propose une table de salle à manger tripode des années 1950 dessinée par Janette Laverrière avec un plateau de forme libre en céramique noire de Georges Jouve (1 million d’euros), une grande console en pierre d’Alberto Giacometti et un grand bureau de Paul Dupré-Lafon (600 000 euros). Pascal Cuisinier expose pour sa part les premiers designers français (10 000 à 30 000 euros), avec une banquette de Pierre Paulin et une armoire et commode d’Alain Richard en laque couleur corail présentées pour la première fois au public, et réalise un focus sur les luminaires de Pierre Guariche.

Marie Potard

Design Miami/Basel
Du 11 au 16 juin, Hall 1.1, Messe Basel, Messeplatz, Bâle, de 11h à 19h, www.designmiami.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°393 du 7 juin 2013, avec le titre suivant : À la conquête d’Art Basel

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