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Marseille - Un Frac des possibles

Le nouveau bâtiment est aussi ingénieux à l’extérieur que contraignant à l’intérieur

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 9 avril 2013 - 668 mots

MARSEILLE - C’est au son retentissant d’une performance de l’artiste Fouad Bouchoucha, accompagné d’une cavalcade de pétards engendrant la formation d’un épais et fugace nuage de fumée blanche, qu’a été inaugurée le 22 mars la nouvelle demeure du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille.

Voilà longtemps que l’institution était bien trop à l’étroit dans ses locaux situés à quelques pas de la Vieille-Charité. Au-delà des salles d’exposition devenues vieillissantes s’était progressivement fait jour un manque criant d’espaces de stockage pour une collection en constant accroissement et en mouvement perpétuel, qui enregistre quelque 800 prêts par an. Fort attendue donc, cette réalisation a toutes les chances de devenir l’un des bâtiments emblématiques marquant la rénovation de la cité phocéenne.

Imaginé par l’agence d’architectes japonaise Kengo Kuma & Associates, l’édifice d’une superficie globale de 5 400 mètres carrés, et situé en pleine ville, dans le quartier de la Joliette, au cœur d’un îlot densément bâti et au tracé complexe, s’y insère ingénieusement tout en cultivant sa singularité, grâce notamment au travail réussi de sa façade. D’aspect pixelisée, celle-ci est composée de 1 700 plaques de verre réalisées par l’Atelier Emmanuel Barrois ; de dimensions identiques mais adoptant des orientations différentes, elles ont été soumises à des projections aléatoires de peinture blanche émaillée conférant à chacune un caractère unique. Outre qu’il anime l’extérieur avec de subtils jeux de lumière, ce traitement permet d’assurer à l’intérieur la diffusion homogène d’une luminosité adoucie.
Imbriqués sur une hauteur globale de 35 mètres – dont 15 mètres creusés en sous-sol afin notamment d’abriter d’imposantes réserves –, sept niveaux, de surfaces et hauteurs sous plafond variables, sont sobrement traités dans un vocabulaire des plus retenus fait de béton et d’acier, et se partagent les différentes fonctions de l’institution. Relativement aux expositions, la dispersion dans le bâtiment d’espaces permettant la mise en œuvre de différentes typologies de projets est bien pensée ; signalons ainsi une salle spécialement conçue pour la vidéo ou encore un plateau expérimental dédié à des invitations.

Le bât blesse cependant dans le traitement des deux salles principales. Au premier étage, la salle qui s’ouvre largement sur une belle terrasse voit les surfaces murales réduites à la portion congrue. Tandis que, accessible et perceptible en surplomb dès le rez-de-chaussée avant qu’elle ne s’enfonce dans le sol, la plus grande d’entre elles adopte un volume finalement trop généreux. Il va falloir le remplir en appelant immanquablement un certain type d’œuvres de grand format (installations ou amples sculptures, voire tableaux imposants) au détriment de travaux plus intimistes qui risquent de s’y trouver noyés.

Voisinages contraints
L’exposition inaugurale atteste de ces contraintes architecturales. « La Fabrique des possibles » engage un dialogue entre des artistes de générations différentes autour des notions de laboratoire et d’expérimentation, qui ont conduit les plus jeunes d’entre eux à collaborer avec des structures scientifiques et des chercheurs, notamment dans le cadre d’une section du CNRS installée sur le technopole de Château-Gombert. Elle donne à voir un accrochage un peu brouillon avec des voisinages qui parfois s’accommodent mal.

Ainsi, dans une réflexion bien conduite relative au développement d’architectures et de véhicules de nature utopique, de très belles maquettes posées sur table de Panamarenko ou Antti Lovag cohabitent difficilement, visuellement s’entend, avec les douze Structures productives (2012) de Nicolas Floc’h réparties au sol, répliques de récifs immergés devenus des habitats pour les poissons. La perception de ces sculptures est en outre entravée par une grande structure en bois de Yannick Papailhau. À l’étage, à l’intérieur d’un cube construit pour abriter ses œuvres, Bettina Samson développe magnifiquement, à travers des tableaux en verre qui semblent poursuivre une esthétique des avant-gardes géométriques (For a future exploration of dark matter, 2011), une réflexion sur la matière noire et la déformation de l’espace-temps.

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

Commissaire : Pascal Neveux, directeur du Frac Paca
Nombre d’artistes : 26

Jusqu’au 26 mai, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, 20, bd de Dunkerque, 13002 Marseille, tél. 04 91 91 27 55, www.fracpaca.org, du mercredi au samedi 10-18h, dimanche 14h-18h.

Légende photo

Les nouveaux espaces du FRAC PACA, Marseille - © Photo Xavier Zimmermann/FRAC PACA.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°389 du 12 avril 2013, avec le titre suivant : Marseille - Un Frac des possibles

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