Entretien

Éliane Houlette - Commissaire du Gouvernement auprès du CVV

« Il est primordial que les professionnels soient reconnus »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 31 janvier 2013 - 638 mots

Armelle Malvoisin : Nommée en juin 2012 commissaire du Gouvernement auprès du Conseil des ventes volontaires (CVV), vous succédez à Serge Armand et Michel Seurin à ce poste. Quel est votre intérêt pour l’art et son marché ?
Eliane Houlette : Comme mes prédécesseurs, je suis avocat général à la cour d’appel de Paris. J’ai pris mes fonctions au CVV en septembre dernier. Ce poste m’a intéressé car il me permet de conjuguer mon intérêt pour l’art avec celui de l’application du droit.

A.M. : Quelles nouvelles avez-vous de l’affaire des commissionnaires de Drouot dans laquelle plusieurs commissaires-priseurs sont toujours mis en examen ?
E.H. : L’affaire Drouot dite « des cols rouges » fait actuellement l’objet d’une information judiciaire dont nous ignorons l’issue de la procédure judiciaire.

A.M. : Sur quel(s) dossier(s) travaillez-vous en ce moment ?
E.H. : Depuis mon arrivée au CVV, je suis plongée dans l’étude du « Recueil des obligations déontologiques » élaboré par le CVV et publié au Journal officiel en 2012. Veiller à ce qu’il soit strictement respecté entre dans mes missions. Au quotidien, je traite les réclamations qui me sont adressées par des vendeurs ou acquéreurs mécontents. Elles sont de tous ordres et d’importances diverses : mécontentement à la suite de l’achat d’un objet utilitaire qui ne fonctionne pas, frais de ventes jugés exorbitants, dépôt d’objets non restitués ou rendus détériorés, ventes à des prix décevants, contestation d’authenticité des œuvres acquises… Beaucoup trouvent une issue amiable.

A.M. : Finalement, vous êtes davantage dans la médiation que dans la sanction…
E.H. : Absolument. Ce rôle préventif a été souhaité par le législateur, puisque l’article L 321-21 du code de commerce prévoit que le commissaire du Gouvernement peut proposer une solution amiable aux différends qui sont portés devant lui.

A.M. : À quel genre de problèmes récurrents avez-vous fait face qui aient nécessité une mise en garde auprès de l’ensemble des maisons de ventes ?
E.H. : J’ai été et suis encore confrontée à plusieurs difficultés concernant, notamment, la mise en vente aux enchères publiques de photographies à caractère pédo-pornographique, la vente de reliques, celle d’archives publiques revendiquées par l’État. S’agissant des photographies, j’ai dû adresser à l’ensemble des opérateurs un message les informant des risques encourus sur le plan pénal. La vente des reliques et des archives publiques constitue des thèmes sur lesquels je vais travailler dans les mois à venir avec les opérateurs concernés et le ministère de la Culture.

A.M. : Après plusieurs mois d’observation des pratiques du marché de l’art en France, qu’est ce qui vous a le plus marqué ?
E.H. : La différence des pratiques et des comportements d’un opérateur à un autre. Certaines structures, dotées d’un service juridique, sont très réactives aux demandes formulées par le commissaire du Gouvernement, d’autres ne prennent pas le soin de répondre aux interrogations. Beaucoup de réclamations ne devraient pas parvenir chez le commissaire du Gouvernement si les opérateurs prenaient le temps de répondre eux-mêmes, de manière exhaustive, aux personnes mécontentes d’une prestation.

A.M. : Avez-vous déjà lancé des poursuites disciplinaires devant le CVV (avertissement, blâme, interdiction d’exercer) ?
E.H. : Trois procédures disciplinaires vont très prochainement être transmises au CVV. L’une d’elles concerne un opérateur qui, de manière répétée, n’a pas répondu aux interrogations du commissaire du Gouvernement. Ceci fait, je le rappelle, constitue un manquement disciplinaire au sens de l’article R. 321-45 du code de commerce qui dispose que « le commissaire du Gouvernement… peut se faire communiquer tous renseignements ou documents et procéder à toutes auditions utiles ». Outre qu’elles révèlent une grande négligence vis-à-vis des clients, des interrogations restées sans réponses donnent une très mauvaise image de la profession. Le marché sur lequel interviennent les opérateurs est international, les achats se font de plus en plus par téléphone ou par internet. Il m’apparaît primordial que les professionnels français soient reconnus pour leur loyauté, leur rigueur et leur compétence.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°384 du 1 février 2013, avec le titre suivant : Éliane Houlette - Commissaire du Gouvernement auprès du CVV

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