Les beaux jours du Mois de la Photo

Le Journal des Arts

Le 29 octobre 2012 - 960 mots

La 17e édition du Mois de la Photo promet de belles relectures dans un programme toujours plus dense de projections, rencontres et débats, en galeries ou en institutions publiques.

Après avoir fêté ses 30 ans en 2010, le Mois de la Photo revient en novembre pour une 17e édition et près de 80 expositions dans Paris.  En 1980, lorsque la Ville de Paris donne carte blanche à Jean-Luc Monterosso et à l’association Paris Audiovisuel, la manifestation est un véritable pari : fédérer autour de la photographie galeries et musées, alors même qu’elle ne provoque pas l’engouement qu’on lui connaît aujourd’hui. Le succès public est au rendez-vous, annonçant la place que prendra la photographie dans les beaux-arts au fil des années. La principale innovation du Mois de la Photo liée à sa particularité génétique réside dans l’association au sein de la manifestation du secteur privé (galeries et marchands d’art) et du secteur public (musées et instituts culturels).

Le Mois de la Photo se décline tous les deux ans autour d’un même principe : trois thématiques confiées à trois commissaires invités. Forte de sa singularité en 1980, la manifestation est plus exigeante au fur et à mesure que la photographie s’inscrit dans les programmations culturelles françaises et étrangères. Dès 1994, un off  est créé, développant l’offre programmatique au risque de diluer l’intérêt du Mois de la Photo. Le risque n’échappe pas à Jean-Luc Monterosso, qui s’interroge, dans le catalogue de l’année 1998 : « La photographie, art intime et public à la fois, n’est-elle pas en train de se dissoudre dans un grand bain médiatique ? ». Au fond, la problématique est semblable à celle du Festival d’Avignon et les reproches similaires, stigmatisant une  programmation fourre-tout et des participants inamovibles. Mais le Mois de la Photo continue d’attirer les amateurs venus admirer des confrontations et des thématiques choisies avec soin en écho aux interrogations contemporaines. En 2010, l’édition anniversaire célébrait les collections. Intitulée « Paris collectionne », elle créait des dialogues entre collections publiques et privées, établissant des ponts et des associations.

Trois thèmes ouverts
Cette nouvelle édition retrouve son rythme habituel avec trois thématiques charnières et perméables. Jean-Luc Monterosso, commissaire général, a confié à Agnès Gouvion de Saint-Cyr, cofondatrice des Rencontres d’Arles et ancien inspecteur général pour la photographie au ministère de la Culture, le soin de mettre en lumière les petits formats dans la thématique « Small is Beautiful » (« Ce qui est petit est beau »). S’interroger sur la place du petit format dans le processus créatif, dans le lien avec l’intime et la contrainte comme principe est judicieux, transversal et universel. À la Fondation Henri Cartier-Bresson, l’exposition « Ci-contre », jusqu’au 23 décembre, propose une relecture de l’œuvre de Moï Ver, photographe lituanien pour la première fois exposé en France, au travers de 110 tirages de petits formats conçus pour le livre Ci-contre, publié en 1931.

La Galerie Camera Obscura, avec le sublime « Éloge de la miniature » jusqu’au 24 novembre, expose Sarah Moon, Bernard Plossu et Masao Yamamoto, dans une célébration de l’intime. Du côté des instituts culturels, le Centre culturel suisse s’intéresse aux Polaroïds d’Hannah Villiger (du 9 novembre au 16 décembre), tandis que l’Institut néerlandais met en lumière ceux de l’artiste Charlotte Dumas (du 14 novembre au 20 janvier).

Plus métaphysique et onirique, la thématique du « Réel Enchanté » a été confiée à Stéphane Wargnier, venu du monde de la mode. S’interrogeant sur la notion de réalité, sur le principe de la photo-fiction, cette thématique est la plus générale de l’édition 2012. Ainsi, la ville-fiction est à l’honneur à l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Val de Seine, avec les topographies illuminées de Peter Bialobrzeski (« Mégatropolis/Urban Changes » jusqu’au 5 décembre) et à la Galerie Binôme où les tirages du jeune photographe Thibault Brunet mêlent jeux vidéos et photographie (jusqu’au 24 novembre).

Plus institutionnelle dans sa programmation, la troisième thématique, « Photographes français et francophones » pourrait sembler la plus classique. La photographie française et francophone de 1955 à nos jours est portée par Leonor Nuridsany, commissaire d’exposition indépendante et critique d’art. Celle-ci a pris la thématique à bras-le-corps, interrogeant les notions de mondialisation, de spécificité culturelle : « Une langue commune peut-elle rassembler les photographes, même s’ils ne partagent pas la même culture ni la même histoire ? Peut-on parler aujourd’hui de spécificité française ou francophone comme on pouvait l’envisager dans le passé ? ».

À la Bibliothèque nationale de France, cela donne un des grands temps forts du Mois (dès le 13 novembre) à travers « La photographie en cent chefs-d’œuvre » pour explorer la notion de chef-d’œuvre à l’aune de la photographie. La Maison européenne de la Photographie opère plusieurs relectures passionnantes et instructives. Au Petit Palais pour un événement « MEP hors les murs », les photographes du cercle de Gustave Le Gray (des années 1850 à 1860) sont brillamment redécouverts dans « Modernisme ou modernité » (jusqu’au 6 janvier), une exposition à ne pas manquer. La MEP consacre dans ses murs une grande exposition historique à la « Photographie en France, 1950-2000 » (à partir du 13 novembre), dans une thématique très large confiée à Gilles Mora et Alain Sayag, des valeurs sûres.

Outre le off, le Mois de la Photo doit compter depuis l’année dernière avec le festival photo Saint-Germain-des-Prés, dont la deuxième édition débute le 8 novembre sur le thème « Voyages et rêves ». Avec Paris Photo à la fin du mois, novembre est décidément le mois de la photographie à Paris.

LE MOIS DE LA PHOTO

Du 24 octobre au 30 novembre, organisé par la Maison Européenne de la Photographie, 5-7 rue de Fourcy, 75004 Paris, tél. 01 44 78 75 00.

Programme complet sur le site www.mep-fr.org. Catalogue, Coéd. MEP/Actes Sud, 416 p., 39 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°378 du 2 novembre 2012, avec le titre suivant : Les beaux jours du Mois de la Photo

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