Enquête

Tram, un réseau contemporain en alerte

Par Françoise Chaloin · Le Journal des Arts

Le 22 mai 2012 - 1005 mots

En première ligne pour les actions de démocratisation culturelle, les centres d’art d’Île-de-France, réunis dans le réseau Tram, militent pour une reconnaissance de leur rôle sur le territoire régional. Dans un texte commun, ils alertent sur les risques qui pèsent sur leur mission à la suite de la réduction des crédits déconcentrés de l’État relativement à l'action culturelle.

PARIS - À l’heure d’un changement présidentiel qui devrait s’accompagner d’une nouvelle orientation de la politique culturelle nationale, les trente et une structures d’art contemporain en Île-de-France réunies dans le réseau Tram (1) publient un communiqué commun qui, tout en rappelant les fondamentaux de leur action, vise à alerter des risques de son affaiblissement. À la baisse de 5 % par rapport à 2011 du budget du ministère de la Culture en faveur des arts plastiques, s’ajoute le gel des crédits, à hauteur de 6 % pour 2012. Sans compter, pour les institutions départementales ou municipales, les restrictions, de l’ordre de 5 % à 10 %, imposées par la réforme des collectivités territoriales, dont le volet fiscal a pour nombre d’elles affecté les ressources.

Du Palais de Tokyo à Paris à la Maison populaire de Montreuil, la disparité des structures du territoire francilien quant à leur taille et statut ne permet pas d’établir une synthèse de l’impact très différencié de ces « coupes » sur leurs projets d’activité. Il est plus fondé de comparer la situation des institutions de taille moyenne, implantées pour la plupart à la périphérie de Paris et vouées depuis trois décennies au soutien de la création et de la diffusion, souvent pionnières dans la découverte des artistes. Si certaines maintiennent une périodicité de quatre à cinq expositions par an, quitte à diminuer l’enveloppe allouée à la production d’œuvres, d’autres réduisent le nombre de manifestations programmées à l’année. Elles peuvent aussi renoncer à l’édition de publications ou rogner sur l’événementiel.

Produire et exposer des œuvres ne constitue cependant que la partie la plus médiatique des missions de ces structures ; depuis longtemps déjà elles poursuivent une politique, non seulement d’accompagnement, mais aussi d’élargissement du public. Et c’est précisément sur la défense de ces actions de médiation hors les murs, éléments essentiels de la démocratisation culturelle auxquels sont étroitement associés les artistes, qu’elles se mobilisent aujourd’hui. En cause, les crédits déconcentrés de l’État dévolus, via le service du développement et de l’action territoriale, à l’action culturelle des lieux d’art contemporain, crédits qui auraient été fortement réduits. Au Plateau-Frac Île-de-France, par exemple, l’aide octroyée jusque-là par la Drac (direction régionale aux Affaires culturelles) pour ces activités est passée de 16 000 euros en 2010 à 10 500 euros en 2012, une aide contribuant notamment à animer un grand nombre d’ateliers en présence d’artistes tout au long de l’année. Ainsi Julien Berthier a-t-il effectué une résidence en collège sur le thème « Écritures de lumière », tandis qu’Ulla von Brandenburg a tourné un film au parc des Buttes-Chaumont avec les enfants d’une école élémentaire. Cette baisse compromet la poursuite de ces actions menées en profondeur avec le public, scolaire ou de proximité. Si la Ville de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) compense cette année le déficit de financement de la Galerie pour les ateliers d’artiste en milieu scolaire, le Crédac (Centre d’art contemporain d’Ivry-sur-Seine, Val-de-Marne) a vu son enveloppe passer de 17 000 à 6 000 euros, et deux parmi quatre de ses projets retoqués sans autre forme de procès. L’intervention « Soda », de Nicolas Floc’h, montée avec le service des retraités de la Ville, a été acceptée, mais pas celle conduite avec le collège Henri-Wallon, à la surprise de l’équipe pédagogique qui s’investit depuis des mois pour mettre en place ces partenariats au long cours avec l’Éducation nationale.

Appel à projets
Les projets reposent aussi sur la volonté des responsables d’association, éducateurs spécialisés dans l’insertion des jeunes ou la prévention, rappelle Nathalie Giraudeau, directrice du Centre photographique d’Île-de-France. À Pontault-Combault (Seine-et-Marne), des actions tournées vers des quartiers défavorisés – tel l’atelier de Karim Kal réunissant parents et enfants –, n’auraient pu se concrétiser sans le complément apporté en dernière minute par la Ville, le conseil régional ou le bailleur social. Le « projet fédérateur » autour de Mark Geffriaud, Marcelline Delbecq et Sébastien Rémy impliquant trois établissements du second degré a été retenu pour 2012, mais pour un montant moitié moindre de la somme demandée. Son ambition a donc été revue à la baisse et le nombre d’heures d’intervention est passé de 70 à 40.

Les centres d’art, pourtant rompus à l’élaboration de projets soumis à l’approbation des autorités de tutelle, sont décontenancés par l’introduction d’une procédure les enjoignant à « concourir » dans le cadre d’appel à projets et de dispositifs aussi contraignants que nouveaux chaque année. Ils déplorent une inadéquation avec le calendrier scolaire comme avec la nature des partenariats Culture-Éducation nationale, reposant sur une relation de confiance. Au-delà, ces acteurs ancrés sur le territoire régional souhaiteraient une relation fondée sur la concertation.

Interrogée, Muriel Genthon, directrice régionale des Affaires culturelles, défend la mise en place du « contrat local d’éducation artistique », permettant d’associer plusieurs collectivités territoriales, et la priorité accordée à des associations qui n’ont encore jamais reçu de subventions. Par ailleurs, la logique d’attribution de ces aides ne serait plus « sectorielle » (et mêle donc indifféremment arts plastiques, théâtre, cinéma, politique de la ville…), précise-t-elle, concédant une baisse de 60 000 euros pour les arts plastiques sur le budget, déjà tendu, dévolu à l’action culturelle.
Bien que les centres d’art d’Île-de-France jouissent d’une reconnaissance certaine, et que, selon Muriel Genthon, les crédits de l’État pour le fonctionnement de six d’entre eux aient augmenté en 2011, leur économie demeure fragile ; leur demander de se tourner vers les publics « prioritaires » (2) pour développer des actions susceptibles de réduire les inégalités en termes d’accès à l’art tout en leur en déniant les moyens relève pour le moins d’un paradoxe.

Notes

(1) Tram Réseau art contemporain Paris/Île-de-France a fêté l’an dernier ses 30 ans d’existence.

(2) entendre « les plus éloignés de la culture ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : Tram, un réseau contemporain en alerte

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