Déménagement

Inquiétudes à la Médiathèque

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2006 - 985 mots

La Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, service public de documentation, pourrait faire les frais
de la nouvelle politique immobilière du ministère de la Culture.

PARIS - Après avoir fait des vagues parmi les affectataires de logements de fonction du ministère de la Culture et de la Communication, le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de l’Assemblée nationale, rédigé par le député Georges Tron (UMP) et rendu public en juillet 2005 pourrait avoir de nouvelles conséquences (lire le JdA no 233, 17 mars 2006,  p. 5). Fâcheuses cette fois-ci, puisqu’elles menacent la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, qui risque d’être contrainte à un déménagement de son site parisien dans les prochains mois. Ce service à compétence nationale, qui diffuse aux professionnels et aux particuliers les ressources documentaires de la direction de l’Architecture et du Patrimoine dont elle dépend – notamment les archives de la Commission des monuments historiques – occupe des locaux spécialement aménagés dans les années 1980 dans les hôtels de Croisille et de Vigny, deux immeubles du quartier du Marais, situés rue du Parc-Royal à Paris (3e arr.). Une vingtaine de personnes travaillent sur ce site ouvert au public alors que les archives photographiques sont conservées au fort de Saint-Cyr (Yvelines ; lire page 7). Or ces deux hôtels particuliers devraient être prochainement mis en vente, conformément aux préconisations du rapport Tron, confirmées par l’amendement parlementaire du 24 octobre 2005. Dans une annexe consacrée à la politique immobilière du ministère de la Culture et de la Communication, le député s’étonnait en effet que l’opération de l’immeuble des « Bons Enfants », initialement destinée à regrouper les services du ministère sur un site unique, n’ait pas entraîné la cession des sept autres sites domaniaux, qui aurait dû couvrir une partie du coût de l’opération. Si certains de ces bâtiments ont fait, depuis, l’objet de cessions ou d’échanges avec d’autres ministères, ce n’est pas le cas d’un immeuble de la rue Saint-Dominique (7e arr.) – occupé par la direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles vivants (DMDTS) –, ainsi que de l’ensemble de la rue du Parc-Royal. D’une superficie de 2 090 mètres carrés, celui-ci est estimé au prix fort de 22 millions d’euros, soit plus de 10 000 euros le mètre carré.
Si, dans un premier temps, le ministère de la Culture s’est opposé à cette vente, un arbitrage favorable de Matignon l’a, depuis, rendue inéluctable. Le système d’incitation aux cessions immobilières prévu par Bercy prévoit toutefois que, en cas de relogement de services, 85 % du produit de la vente revienne au ministère concerné. Plus de 18 millions d’euros pourraient donc être affectés à cette opération. Par ailleurs, une disposition particulière autorise le maintien de l’occupation des lieux pendant les deux années consécutives à la vente. Mais pour l’heure, aucune solution concrète n’a été proposée par le ministère. Après avoir fait circuler une pétition ayant reçu le soutien de plus de 1 250 signataires, les représentants du personnel de la Médiathèque ont été reçus par Michel Clément, directeur de l’Architecture et du Patrimoine. Ce dernier se serait engagé à ce que ce déménagement se fasse avec une amélioration de situation et une localisation à Paris ou en proche banlieue. Un dossier technique serait en cours de rédaction. L’incertitude concerne toutefois deux autres institutions hébergées statutairement à titre gracieux par le ministère de la Culture sur le site : la Fondation du patrimoine et la Donation Jacques Henri Lartigue. Arrivée dans les lieux en novembre 2004, cette dernière devait enfin pouvoir y bénéficier d’une salle d’exposition dont elle a été privée depuis la fermeture du Grand Palais en 1993. Les travaux d’aménagement ont toutefois été interrompus par le service national des Travaux, dans l’attente d’une décision sur l’avenir de l’immeuble. Or la jouissance de cette salle était l’une des conditions sine qua non de la donation faite à l’État en 1979 par le photographe. « Cela fait treize ans que le ministère de la culture nous balade sur ce sujet », constate avec amertume Martine D’Astier, la directrice de la donation. Or une première exposition est déjà programmée pour l’an prochain, autour de Dany Lartigue, le fils du photographe. Si celle-ci n’avait pas lieu, ce dernier pourrait décider de remettre en cause la donation.

Les archives de la critique d’art bientôt SDF

Installées dans les locaux du Fonds régional d’art contemporain (FRAC) de Bretagne à Château-Giron (Ille-et-Vilaine) depuis leur création en 1989, les Archives de la critique d’art ont été les oubliées du projet de déménagement du FRAC à Rennes. Ce fonds d’archives unique en Europe ne bénéficiera pas d’espaces dans le nouveau bâtiment de l’architecte Odile Decq, dont la construction démarrera dans quelques semaines. « Jusqu’alors, nous formions un pôle unique en France sur l’art contemporain, précise Marie-Raphaëlle Le Denmat, sa directrice. Mais il y a eu une absence de volonté politique au moment de la prise de décision. » D’ici à deux ans, le FRAC quittera et vendra donc ses locaux de Château-Giron. Or, pour l’heure, les Archives de la critique d’art n’ont reçu aucune proposition concrète de relogement de la part de ses partenaires financiers, la Région Bretagne, la Ville de Rennes et le conseil général d’Ille-et-Vilaine. Plusieurs solutions sont pourtant envisageables, comme une installation sur le site de Beauregard à Rennes, à deux pas du nouveau FRAC, dans les nouvelles archives départementales qui disposent de plateaux vacants. Mais le conseil général n’y est pas favorable. Un maintien sur place serait également concevable, « mais à condition d’imaginer une structure autonome à l’exemple de l’IMEC [Institut Mémoires de l’édition contemporaine] près de Caen, avec des résidences pour chercheurs et une meilleure desserte de transports en commun vers Rennes, explique Marie-Raphaëlle Le Denmat. Nous avons le soutien moral de nos partenaires, mais ce qu’il manque, c’est une réflexion commune autour d’un projet. Et cela fait six ans que nous attendons une réponse concrète. »

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°239 du 9 juin 2006, avec le titre suivant : Inquiétudes à la Médiathèque

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