Harald Szeemann face à l’histoire

L'ŒIL

Le 1 juin 2001 - 620 mots

Le Suisse Harald Szeemann, commissaire d’expositions indépendant, a été nommé pour la deuxième fois consécutive directeur de la section Arts visuels de la Biennale. Il nous présente son « Plateau de l’Humanité » qui se déploie entre le Pavillon de l’Italie et l’Arsenal.

Pour quelles raisons avez-vous été nommé une seconde fois directeur de la section Arts visuels ?
La 49e Exposition internationale d’Art s’inscrit dans la continuité de la précédente intitulée dAPERTutto et il était prévu dès le début que j’en assure la suite. Pourquoi moi ? Parce qu’on me surnomme l’imperturbable. J’ai les nerfs solides et une sérieuse expérience. Depuis 1957, j’ai dû monter une centaine d’expositions.

Que voulez-vous dire par « Plateau de l’Humanité » ?
« Plateau de l’Humanité » n’est pas un thème mais une affirmation de responsabilité face à l’Histoire, aux événements de notre époque, c’est une dimension. Les jeunes artistes d’aujourd’hui s’intéressent à la condition humaine, distillent une actualité. Ils se penchent sur les problèmes sociaux, les thèmes écologiques, le quotidien, les nouvelles technologies, les loisirs.

Quelle est la grande innovation par rapport à dAPERTutto ?
Je voudrais faire revivre le climat des années 70 avec les performances, les projections de films sur les places. Instaurer un discours, un échange, rejoindre également l’esprit d’une exposition que j’avais montée en 1983 sur l’œuvre d’art total (Gesamtkunstwerk).
La manifestation Shakespeare & Shakespeare, avec laquelle nous avons inauguré l’an 2001, est la première expérience plurisectorielle. Cette année, à la Biennale, le cinéma est représenté par six projets dont ceux de Chantal Akerman, Atom Egoyan, David Lynch. Ce sont des tentatives courtes d’environ 8-9 minutes. Une collaboration avec la Mostra internationale de l’Art cinématographique est d’ailleurs envisagée. Le secteur danse présente la nouvelle création de Carolyn Carlson. Le théâtre, la musique et la poésie sont également présents. Chaque domaine aura ses espaces et un calendrier différent. Après tout, Godard n’a-t-il pas montré son Histoire(s) du cinéma dans un musée ?

Comment s’est opérée la sélection des artistes ?
Je me pose la question suivante : Qu’est-ce qui peut entrer dans la mémoire collective ? Je me suis fié tout d’abord à quelques grandes figures historiques du XXe siècle pour inaugurer le parcours : Joseph Beuys et son utopie sociale, Cy Twombly qui réactualise les mythes, Richard Serra créateur d’un nouveau concept monumental et Niele Toroni, partisan du tracé pictural. Le Penseur de Rodin est également présent comme symbole du regroupement de toutes les cultures.
Le circuit se poursuit avec une centaine d’artistes représentatifs de la création contemporaine internationale. On passe ainsi de Gary Hill, Chris Cunningham pour la vidéo, à Massimo Vitali, Luis Palma, Tatsumi Orimoto pour la photo, ou Federico Herrero pour la peinture. Mon souhait est d’éliminer les ghettos nationaux, raciaux et d’offrir une exposition comme seule la Biennale peut en proposer. Une longue promenade riche en surprises.

Avez-vous souhaité mettre en avant les artistes femmes ?
Non, je ne me lance pas dans ce genre de débats. Homme-femme, figuration-abstraction, peu importe. Ce qui compte c’est l’art. On me fait cette remarque tout simplement parce qu’en Finlande j’ai découvert plusieurs artistes femmes. Je reconnais cependant que les femmes ont apporté leur sensibilité et ont permis d’assouplir certaines positions machistes. C’est d’ailleurs moi qui ai exposé Rebecca Horn en premier à la Dokumenta de Cassel en 1968 et je suis toujours ravi lorsque mon choix se trouve confirmé.

Quelle est la principale difficulté que vous ayez rencontrée ?
Comme je suis avide d’espaces, il faut me nourrir. Nous avons eu de nombreuses polémiques avec la marine et les monuments historiques afin d’obtenir des autorisations d’extension. Cette année, la manifestation récupère une nouvelle partie de l’arsenal de Venise, les Artiglierie, Gaggiandre, Tese du XVIe siècle et delle Vergini (environ 17 000 m2).

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°527 du 1 juin 2001, avec le titre suivant : Harald Szeemann face à l’histoire

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