Mécénat

Fondation Bettencourt Schueller, un mécénat attaché au rayonnement de la France

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 22 novembre 2017 - 802 mots

Donner des ailes au talent : plus que le slogan de la fondation, c’est le credo d’une philanthrope méconnue, disparue en septembre dernier, Liliane Bettencourt.

Liliane Bettencourt disparue… et, comme souvent, vient le temps de l’hommage. On redécouvre cette femme libre, attachée au rayonnement de la France. Un nom synonyme de richesse, une image mise à mal par des médias qui se sont répandus sur ses largesses à l’égard du photographe François-Marie Banier ou sur ses querelles avec sa fille Françoise Bettencourt-Meyers. Mais la femme la plus riche de France, grâce à L’Oréal fondée par son père, était avant tout une exceptionnelle mécène. Une générosité dont ont bénéficié de nombreux chercheurs, artisans d’art et artistes à travers la Fondation Bettencourt Schueller, qu’elle a initiée.

Le rayonnement de La création française
Créée il y a plus de trente ans par une famille attachée à l’esprit d’initiative, dans un objectif de responsabilité sociale, la fondation est dotée d’un capital d’un milliard d’euros. « C’est un projet philanthropique lancé par Liliane et son mari André Bettencourt, poursuivi par leur fille Françoise Bettencourt-Meyers. L’impact de cette fondation, qui travaille sur la durée, est unique en Europe. Faire bouger la recherche, transmettre des savoir-faire d’excellence sont des œuvres de longue haleine, au même titre qu’il faut du temps pour développer une entreprise », commente Gilles Muller, conseiller de la fondation pour les métiers d’art.

Quand, fin janvier 2017, Audrey Azoulay, alors ministre de la Culture, décerne des prix pour valoriser les projets ambitieux ayant vu le jour grâce à leur mécène, la Fondation Bettencourt Schueller est alors incontournable : elle se voit récompensée dans la catégorie « Métiers d’art » pour son soutien à l’Académie de l’Opéra de Paris. Axée sur la transmission des savoir-faire et l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, cette académie a ainsi pu accueillir onze artisans d’art en 2016. Mais depuis 1999, la fondation délivre son propre « prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main » qui contribue au rayonnement de la créativité française : une centaine de lauréats en ont bénéficié dans quarante-huit disciplines : plumassier, ébéniste, doreur, fondeur, orfèvre, céramiste, graveur, marqueteur, coutelier, sculpteur…

En accompagnant aussi des expositions au château de Versailles ou au Palais de Tokyo, en soutenant les Journées européennes des métiers d’art et le programme Design & Métiers d’art de D’Days, en finançant des formations et des recherches à l’École nationale supérieure des arts décoratifs, la fondation a incontestablement dépoussiéré les métiers d’art au point que de nombreux artistes contemporains et maisons de luxe s’y intéressent aujourd’hui. Enfin, Liliane ayant la fibre musicale par sa mère, sa fondation s’investit également dans le chant choral depuis vingt-cinq ans, contribuant à faire émerger des ensembles aujourd’hui reconnus (Accentus, Aedes, Arts florissants, Éléments, Cris de Paris, Pygmalion…) et récompensant des maîtrises d’enfants. Pour la seule année 2015, le mécénat culturel de la fondation a représenté près de cinq millions d’euros.

Le rapport compliqué des Français à l'argent
« Donner des ailes au talent » n’est pas le slogan de la fondation par hasard. Dans une interview accordée au magazine l’Égoïste en 1987, l’année où naît la structure philanthropique, Liliane Bettencourt raconte comment son père, Eugène Schueller, chercheur en chimie à la Sorbonne, a un jour été sollicité par un coiffeur. Ses recherches sur les colorations donneront naissance à L’Oréal. « Il fallait y penser en 1907 ! », raconte-t-elle, car alors les salons de coiffure étaient rares. Le départ a été difficile, voilà pourquoi la milliardaire a toujours estimé que l’argent devait servir « à aider les gens qui ont envie d’entreprendre ». Très tôt son père lui a appris que le plus compliqué dans la vie n’est pas d’avoir une idée, mais de la réaliser.

Bien des années plus tard, la femme d’affaires décidera donc de lutter contre la fuite des cerveaux en proposant du mécénat financier aux scientifiques les plus talentueux pour qu’ils mènent leurs recherches en France. De même, pour que l’excellence française dans les métiers d’art se développe, elle ira jusqu’à financer des résidences à la Villa Kujoyama au Japon afin que les artistes et artisans français enrichissent encore leur créativité et renforcent leur habileté auprès de ceux que l’on appelle des Trésors nationaux.

La liste est longue des artistes accompagnés en toute discrétion par une équipe d’un grand professionnalisme. Car ici pas de compte à rendre à des actionnaires, donc pas besoin de faire « mousser » la fondation. Même si la première dame de L’Oréal le reconnaissait : le rapport compliqué des Français avec l’argent s’améliorerait si l’on voyait plus souvent la richesse se mettre au service de l’intérêt général. Mais elle estimait ne pas avoir à se justifier pour autant : « Il faut toujours se faire pardonner quand on a de l’argent. Se faire pardonner quoi ? Un père, une idée, un travail incessant, faut-il en être fière ou en avoir honte ? », confiait-elle encore à l’Égoïste.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°707 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : Fondation Bettencourt Schueller, un mécénat attaché au rayonnement de la France

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