Wifredo Lam, l’homme universel

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 juin 2004 - 379 mots

Il y a un « style Wifredo Lam » indéniable, au point qu’aucun de ses tableaux ne ressemble à autre chose qu’à l’une de ses œuvres. Non qu’elles soient toutes pareilles, loin de là ! mais elles cumulent au fond d’elles-mêmes tout un monde mêlé de références culturelles que l’artiste a intégrées à une esthétique singulière.
Né à Cuba en 1902, fils d’un commerçant chinois de Canton immigré au xixe siècle et d’une mulâtre dont les ancêtres sont venus d’Espagne et d’Afrique, Wifredo Lam, qui est décédé à Paris en 1982, est le prototype de l’artiste qui a traversé tout le xxe siècle et dont la démarche s’est nourrie de toutes les aventures plastiques. Son art en appelle tour à tour et tout à la fois au cubisme, à l’expressionnisme, au surréalisme et au primitivisme mêlés à une inépuisable richesse d’invention. La vie que Wifredo Lam a menée des Antilles à Paris, en passant également par New York, Madrid et l’Italie, et les rencontres qu’il a faites – Lorca, Leiris, Breton, Mabille, Césaire, Péret… – sont à l’écho de son art, entre une manière dialectique qui vise à « se retrouver dans tout ce qui a perdu ses ancêtres » (Alain Jouffroy) et une symbolique universelle qui organise la symbiose de l’humain et du végétal. À ce propos, le tableau intitulé La Jungle qu’il présente en 1943 à New York chez Pierre Matisse et qui fait scandale, acheté deux ans plus tard par le MoMA, est proprement manifeste de sa pensée. Emblématique de « l’héritage de la convulsion de l’homme et de la terre », comme il le disait lui-même, l’œuvre de Wifredo Lam est à l’image d’un monde qui n’a cessé de connaître toutes sortes de tremblements existentiels.
L’exposition de peintures et de dessins que présente la galerie Boulakia et qui recouvre quelque quarante ans de création, de la fin des années 1930 aux années 1970, en est le reflet. Elle souligne avec justesse la part « magique » – l’expression est d’André Breton –  d’une œuvre où l’imaginaire et le mysticisme le disputent à une pensée, humaniste et critique, sur le drame profond de l’homme.

« Wifredo Lam. Les Grands Invisibles », PARIS, galerie Boulakia, 10 avenue Matignon, VIIIe, tél. 01 56 59 66 55, 25 mai-15 juillet.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°559 du 1 juin 2004, avec le titre suivant : Wifredo Lam, l’homme universel

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