Vues sur l’abstraction

Tendances contemporaines au musée de Saint-Étienne

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1997 - 427 mots

La peinture abstraite a souvent été pratiquée et perçue ces quinze dernières années comme un exercice de pastiche post-moderne plus ou moins habile. Une nouvelle génération d’artistes européens et américains affirme au contraire une tout autre approche, dégagée des dogmes et des interdits.

SAINT-ÉTIENNE - La peinture a connu le douteux privilège de mourir plusieurs fois au cours du siècle, et les oraisons funèbres ont pris la plupart du temps des accents de diktat. Les dernières résurrections, qui bénéficièrent d’une forte attention médiatique, ont pris deux formes stratégiques distinctes : le "retour" à la figuration ou un travail de deuil citationniste, post-moderne et mondain. En marge de ces options, une nouvelle génération, tant en Europe qu’aux États-Unis, s’est attaquée à la question de la peinture abstraite en écartant les préjugés historicistes de leurs aînés. On ne saurait alors parler d’une tendance homogène, qui répondrait avec unanimité aux questions lancinantes de la peinture contemporaine, et encore moins envisager un manifeste.

Inventaire provisoire
L’exposition de Saint-Étienne entend pourtant commencer un inventaire des différentes formes d’abstractions qu’explorent des artistes ayant aujourd’hui entre trente et quarante ans. Les œuvres d’une vingtaine d’entre eux, choisis par Éric de Chassey et Camille Morineau, interrogent avec des moyens distincts le destin d’un art trop souvent et trop romantiquement présenté comme une conquête de l’absolu. On ne trouvera pas, dans les tableaux de Mary Heilmann et Helmut Federle, qui indiquent en ouverture les deux axes de cette présentation, trace de cynisme ou de nostalgie. Il est encore peu probable que l’on parvienne à identifier les ferments contradictoires de l’invention de l’abstraction au début du siècle : le formalisme et la spiritualité.

Les commissaires insistent volontiers sur l’absence de préjugés qui caractérise ces démarches et qui, éventuellement, peut ouvrir la porte au décoratif ou au pathétique. Les systèmes ont vécu, et la plupart de ces peintres, comme Jonathan Lasker, Helmut Dorner, Bernard Piffaretti, Mitja Tusek ou Callum Ines, accordent au contraire une grande importance à l’expérience dont chaque tableau est l’occasion. Si nombre d’entre eux ont cependant choisi de se consacrer exclusivement à l’abstraction, d’autres n’y viennent qu’occasionnellement, nouvelle preuve s’il en était besoin de la liberté avec laquelle ces artistes  abordent la peinture. Toute exposition connaît ses limites : aux vingt peintres retenus auraient pu s’en ajouter de nombreux autres qui répondent à ces mêmes exigences. Il ne s’agit heureusement pas ici d’un bilan, mais d’une esquisse prospective.

ABSTRACTION/ABSTRACTIONS, GÉOMÉ­TRIES PROVISOIRES, du 18 janvier au 23 mars, Musée d’art moderne de Saint-Étienne, tlj 10h-18h. Catalogue avec des contributions de Bernard Ceysson, Éric de Chassey, Camille Morineau.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Vues sur l’abstraction

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