Art ancien

Vélasquez, retrouvailles italiennes

Par Eva Bensard · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2005 - 617 mots

Le Musée de Capodimonte à Naples brosse à travers une trentaine de tableaux un panorama sans surprise de l’œuvre du maître sévillan.

NAPLES - Saison faste pour le Musée napolitain de Capodimonte : un peu plus d’un mois après la fermeture de l’exposition « Le Caravage, la dernière période, 1606-1610 » (lire le JdA n° 204, 3 décembre 2004), l’institution et son directeur, Nicola Spinosa, devraient à nouveau s’attirer les grâces du public en présentant une trentaine de peintures de Diego Vélasquez (1599-1660). Conçue par Nicola Spinosa et par l’ancien directeur du Prado Alfonso E. Pérez Sánchez, à l’origine de la grande exposition monographique de 1990 dans ce dernier musée, cette nouvelle rétrospective (quatre ans après celle du Palazzo Ruspoli à Rome) vaut avant tout par sa concentration de chefs-d’œuvre. Du Vendeur d’eau (Londres, Apsley House) à la Vieille Femme faisant frire des œufs (Édimbourg, National Gallery of Scotland), du Bouffon Calabacillas (Madrid, Musée du Prado) à la Vénus au miroir (Londres, National Gallery), en passant par deux portraits princiers du Kunsthistorisches Museum de Vienne, le parcours est riche en toiles majeures, même s’il n’est sous-tendu par aucune démonstration ni problématique. Et, contrairement à la précédente exposition sur le Caravage, il ne présente ni découvertes sur l’œuvre et la carrière du peintre espagnol ni nouvelles propositions d’attribution. Tout au plus met-il l’accent sur la période ténébriste de l’artiste, années sévillanes au cours desquelles le jeune Vélasquez délaisse l’art maniériste de son maître Pacheco pour la puissance du naturalisme caravagesque, popularisé en Espagne par les œuvres du Valençais Ribera ou du Tolédan Tristan.
Témoins de cet engouement naturaliste, la Vieille Femme faisant frire des œufs (1618), véritable « tableau vivant » où les visages sont puissamment modelés et les objets d’une matérialité presque tangible, ou encore La Mulâtre (Dublin, National Gallery of Ireland, vers 1618 ?), scène religieuse
(Le Christ et les pèlerins d’Emmaüs est figuré en arrière-plan) servant de prétexte au rendu du quotidien le plus humble, celui d’une servante officiant à la cuisine. À ces compositions aux contours nets, aiguisées par d’intenses clairs-obscurs et travaillées dans une matière picturale sombre et épaisse, succède à partir des années 1620 un art de cour – en 1623, Vélasquez est nommé peintre du roi d’Espagne Philippe IV –, d’un naturalisme plus tempéré. Mais la véritable rupture intervient plus tard, au contact des antiques et des œuvres des grands maîtres italiens, notamment Michel-Ange, Raphaël, Titien et le Tintoret.

Œuvres de la maturité
Un premier voyage en Italie (1629-1630) ouvre en effet au Sévillan de nouveaux horizons, dont rendent compte dans l’exposition La Rixe (Rome, Galleria Pallavicini, vers 1630), peinte en teintes claires et animée d’un nouveau dynamisme, ou le doux portrait de la sœur de Philippe IV Marie de Hongrie (Madrid, Musée du Prado, vers 1630), traité en touches légères et par endroits à peine esquissées. On regrette toutefois l’absence de La Tunique de Joseph, dont l’Escurial a refusé le prêt.
Cette intégration des apports italiens dans le style de Vélasquez, qui s’enrichit au fil des années d’une gamme subtile de roses, de gris et de bruns et abandonne la fermeté du dessin pour une ligne plus souple et vibrante, triomphe dans les œuvres de la maturité. Ainsi de la sensuelle Vénus au miroir (vers 1648), confronté à la Danaé de Titien, conservé à Capodimonte, ou des deux portraits d’infants du Kunsthistorisches Museum (L’Infante Marguerite, 1654 et L’Infant Philippe Prosper, vers 1659), petits souverains en miniature dont Vélasquez a su restituer sans affectation l’ingénuité et la grâce enfantines.

VÉLASQUEZ À CAPODIMONTE

Jusqu’au 19 juin, Musée de Capodimonte, via Milano, 2, Naples, tél. 39 06 39 96 70 50, www.velazquezcapodimonte.it, tlj sauf mercredi, 8h30-19h30. Catalogue, Electa Napoli, 127 p., 25 euros.

Vélasquez en dates

1599 Naissance à Séville. 1611-1617 Formation dans l’atelier de Pacheco, dont Vélasquez devient le gendre en 1618. 1623 Est nommé peintre du roi Philippe IV. 1629-1630 Premier voyage en Italie, à Gênes, Venise, Ferrare, Rome et Naples, où il rencontre probablement Ribera. 1643 Est nommé surintendant des travaux à l’Alcazar de Madrid. 1649 Second voyage en Italie, où il peint le portrait du pape Innocent X. 1660 Mort à Madrid.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : Retrouvailles italiennes

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