Valie EXPORT : rebelle

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 octobre 2003 - 413 mots

L’artiste provocatrice et radicale, qui secoua l’Autriche à la fin des années 1960, se voit offrir une exposition et un catalogue monographique de premier ordre par le Centre national de la photographie, donnant l’occasion de dépasser les clichés sur cette performeuse. Celle qui fit trembler l’establishment viennois, rivalisa avec les fameux actionnistes et incarna le féminisme dans les années 1970, dévoile en fait une œuvre complexe et contradictoire. Certes les pièces et les combats ont un peu vieilli mais certaines images estomaquent toujours. Lorsqu’elle pose, assise sur un banc, un pantalon découpé sur son entrejambe, les bras solidement campés sur une mitraillette (Genital Panic, 1969), propose au chaland de toucher sa poitrine dissimulée derrière un petit rideau (1968) ou promène en laisse un critique d’art-toutou, elle affronte violemment les questions de la domination masculine, de la prostitution et de la liberté sexuelle. Elle malmène son corps-outil à l’instar d’un Michel Journiac ou d’une Gina Pane, transformant la souffrance en matériau. Du sang dans un bol de lait, son corps meurtri imprimé sur un linceul de papier (Eros/ion, 1971), les images et les actions de Valie EXPORT dérangent. Un peu terroriste, surtout révoltée, elle refusera de porter le nom de son père (Lehner) et celui de son mari (Höllinger) pour accoler au diminutif de son prénom (Waltraud) celui d’une marque de cigarette à figurer en capitale d’imprimerie. Depuis, cette passionaria s’est penchée sur la relation étouffante de l’individualité à l’anonymat urbain tel qu’il est généré par l’architecture. Ses photomontages la montrent dans une version hybride, mi-personne, mi-bâtiment dans le rapport toujours torturé qu’elle entretient avec le monde. Toujours femme fatale et dominatrice, Valie EXPORT emploie tous les médiums (photographie, installations, vidéo, dessin et archives) pour aborder ces questions de l’identité, du sexe, des libertés, des conventions sociales et des stéréotypes. L’exposition est surtout l’occasion de découvrir bon nombre de ses films, peu connus mais souvent récompensés, qui étaient restés jusqu’ici dans l’ombre des actions choc et des images agressives. Comme beaucoup d’artistes historiques de cette génération dont le début de carrière fulgurant s’est attaché à des images-icônes, Valie EXPORT a continué de travailler dans la discrétion, sans jamais pouvoir complètement se détacher de ce passé. Le radical se révèle souvent être un ingrédient retors, à manipuler avec précaution, car il peut rapidement prendre le pas sur la figure même de l’artiste.

« Valie EXPORT », PARIS, Centre national de la photographie, 11 rue Berryer VIIIe, tél. 01 53 76 12 32, www.cnp-photographie.com, 12 septembre-21 décembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Valie EXPORT : rebelle

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