Une grande tradition de sculpture en terre cuite

L'ŒIL

Le 1 octobre 2003 - 350 mots

Ignorée pendant tout le Moyen Âge en France, la sculpture en terre cuite apparaît au XVIe siècle en Touraine, « importée » par les artistes italiens venus travailler dans le Val de Loire. Dans la région du Mans se développent alors des ateliers qui vont perpétuer pendant deux siècles une grande tradition française de coroplastique (sculpture en terre). Ils produisent essentiellement des œuvres religieuses, grandes figures pour les retables ou statues destinées à la dévotion privée, qui toutes témoignent du climat spirituel dela Réforme catholique.
Le catholicisme triomphant exige un art de persuasion, expressif et souvent spectaculaire, il réclame la création de nouvelles et abondantes représentations peintes ou sculptées. Dans la région du Mans, cette demande est satisfaite par la sculpture en terre cuite, rapide d’exécution et de moindre coût.
L’argile autorise une fluidité de la forme propice à l’esthétique maniériste, avec ses poses élégantes et ses drapés compliqués. Les statues réalisées en 1570 par le Parisien Germain Pilon (dont le père était originaire du Maine) pour l’abbaye de la Couture au Mans constituent de durables modèles pour les artistes locaux, qui resteront peu réceptifs au style baroque. Ceux-ci appartiennent souvent à des dynasties de sculpteurs : Matthieu Dionise et son neveu Gervais I Delabarre, Charles Hoyau, puis
les Biardeau, les Merillon, Nicolas Bouteiller, Étienne Doudieux, les Préhoust. Ces artistes travaillent aussi en Anjou, en Bretagne, en Poitou, et jusqu’à Paris.
Une fois modelées, les statues sont coupées en deux horizontalement suivant la ligne des draperies, afin d’être évidées (pour éviter l’éclatement à la cuisson), puis « recollées » par un joint de mortier, avant d’être enfournées. De discrets trous d’évents permettent l’évacuation des gaz et une cuisson à cœur. Appliquée après la cuisson, la polychromie vive et rehaussée d’or reste fragile. Les quelque cent terres cuites des XVIe et XVIIe siècles, provenant des églises du Maine et des régions avoisinantes, mais aussi de plusieurs musées et collections privées,  sont autant de chefs-d’œuvre resplendissant dans la lumière blonde de l’abbaye cistercienne.

« Terre et ciel, sculptures en terre cuite du Maine », LE MANS (72), abbaye de l’Épau, 28 juin-9 novembre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Une grande tradition de sculpture en terre cuite

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