Art contemporain

Bruxelles (Belgique)

Un troublant voyage au cœur du Viêtnam

Wiels

Par Pauline Vidal · L'ŒIL

Le 12 mai 2020 - 327 mots

Encore peu connue en Europe, la jeune Viêtnamienne Thao Nguyen Phan, née en 1987 à Hô Chi Minh-Ville où elle vit et travaille toujours, se voit consacrer au Wiels son premier solo show en Europe.

Formée à la peinture dans sa ville natale puis à Singapour, elle s’est ouverte à d’autres médias lors de la poursuite de ses études à Chicago en 2012. « Aux États-Unis, j’ai découvert l’univers des films indépendants », confie l’artiste. Sa rencontre avec l’artiste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul fut déterminante. Il « m’a appris à aborder le thème du Viêtnam, son contexte et son histoire », poursuit-elle. Et le Viêtnam est en effet le cœur de son exposition au Wiels, où elle présente trois installations vidéo assorties chacune d’une riche production picturale. La première salle nous conduit au bord de la mythique rivière du Mékong. Thao Nguyen Phan y diffuse sur un immense écran son dernier film Becoming Alluvium (2019) qui contemple la gloire et la tragédie écologique et humaine que ce fleuve charrie. Dans la salle suivante, Tropical Siesta (2017) s’inspire d’un ouvrage d’un missionnaire français, Alexandre de Rhodes, écrit au XVIIe siècle suite à son séjour au Viêtnam. Les élèves d’une école traduisent à leur manière cet ouvrage et détournent les règles et tortures qui étaient alors infligées. La trilogie se clôture avec la vidéo Mute Grain (2019), projetée sur trois écrans, qui s’empare d’un autre événement tragique peu connu de l’histoire du Viêtnam, la famine de 1945. Éminemment politique, le travail de Thao Nguyen Phan aborde des questions liées au colonialisme et au désastre écologique actuel avec une délicatesse infinie, comme en témoignent les aquarelles qui accompagnent chaque vidéo. Mêlant fiction et documentaire, elle brouille les frontières entre le passé, le présent et le rêve. La dimension poétique et sentimentale de ses œuvres nous invite avec douceur à affronter des traumas et des violences enfouis et à réfléchir à la manière dont l’histoire s’écrit, s’efface, se floute, se réécrit. Un spectacle envoûtant et vertigineux.

« Thao Nguyen Phan. Monsson Melody »,
Wiels, avenue Van Wolxem, Bruxelles, www.wiels.org

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°734 du 1 mai 2020, avec le titre suivant : Un troublant voyage au cœur du Viêtnam

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