Art ancien

Les Frères Flandrin

Un pour tous et tous Flandrin

Par Isabelle Manca · L'ŒIL

Le 8 avril 2021 - 811 mots

À chacun sa spécialité : à Hippolyte la peinture d’histoire, à Paul le paysage idéal et à auguste le portrait. Le musée des Beaux-Arts de Lyon présentera dès sa réouverture une rétrospective de ces trois peintres importants du XIXe siècle.

Des fratries de peintres ne sont pas rares ; que l’on pense aux Le Nain, aux Delaroche ou aux Devéria, pour appréhender une période plus proche de nous. Entre émulation, complicité et rivalité, elles ont contribué à écrire quelques-unes des belles pages de l’histoire de la discipline. La « trinité » constituée par les Flandrin, selon la formule de Baltard, n’a donc a priori rien de singulier. Si ce n’est que ces trois mousquetaires du XIXe siècle ont entretenu une relation d’une proximité stupéfiante et travaillé leur vie durant en constante collaboration. La postérité a presque exclusivement retenu le prénom d’Hippolyte ; pourtant, ses frères n’ont pas démérité et n’ont pas été que le réceptacle de son influence, même s’il demeure le plus talentueux du trio. Dans cette collaboration croisée, chacun avait en effet sa partition à jouer, dans le cadre d’une stratégie où tous misent sur le collectif. « Tout ira bien, écrit Paul à son petit frère Hippolyte, car nous aurons chacun notre genre, et l’union régnera entre nous. »

De l’atelier d’Ingres à la Villa Médicis

L’aîné aurait pourtant pu nourrir quelques rancœurs ; il n’en fut rien. Car c’est lui qui manifeste en premier le désir de faire carrière dans la peinture et qui fréquente un temps l’atelier de Fleury Richard aux Beaux-Arts de Lyon. Mais les cadets montrant un talent très prometteur, le pilier de cette famille modeste se sent chargé de subvenir aux besoins de ses petits frères. Auguste met alors ses prétentions picturales entre parenthèses pour s’adonner à la lithographie. Une pratique plus alimentaire qui rencontre un succès fou à l’époque. Grâce à ses efforts, Hippolyte et Paul montent à Paris. À pied toutefois, par souci d’économie. Le hasard fait ensuite bien les choses et les mène dans l’atelier d’Ingres. Un point de bascule dans leur carrière, car Hippolyte devient l’élève préféré du maître et presque un fils spirituel. Les frangins croient en leur bonne étoile et demandent à Auguste de les retrouver et, surtout, de reprendre les pinceaux. Les retrouvailles du « triumvirat », comme les surnomme Ingres, sont cependant de courte durée, car Hippolyte décroche le grand prix de Rome et s’installe en Italie pour parfaire sa formation. Ses frères ne tardent pas à le rejoindre. Dans la Péninsule, chacun affermit sa spécialité : Hippolyte, la peinture d’histoire, Paul, le paysage idéal et Auguste, le portrait. L’aîné est le premier à plier bagage pour rentrer à Lyon où il mène une brillante carrière de portraitiste pour la bourgeoisie locale. Une trajectoire brisée par son décès prématuré en 1842. Inconsolables, les deux frères sont plus inséparables que jamais. Bien que menant des carrières autonomes, axées essentiellement sur le portrait pour Hippolyte et sur le paysage pour Paul, ils travaillent aussi intensément à quatre mains. Ressuscitant le fonctionnement des chantiers médiévaux, ils exécutent quelques-uns des plus importants chantiers décoratifs de leur temps, à commencer par les extraordinaires peintures à la cire de l’église Saint-Germain-des-Prés. Loin de n’être qu’un assistant, Paul fournit aussi des modèles pour ce décor spectaculaire. Après la disparition de son frère, c’est d’ailleurs lui qui a la mission d’achever ce chantier pharaonique.

Hippolyte Flandrin, "La Pietà"

Jamais exposée du vivant d’Hippolyte, cette œuvre se distingue radicalement de ses autres peintures religieuses. Ici, point de narration, ni de naturalisme, mais une atmosphère intimiste et symboliste avant la lettre. Ce tableau tout en recueillement a été peint après la disparition brutale d’Auguste. Pour rendre hommage à ce frère tant aimé, l’artiste a conféré ses traits au Christ. Preuve de la charge affective de cette peinture, Hippolyte la conservera jusqu’à son dernier souffle dans son atelier.


Auguste Flandrin, "Mathilde Mirabel-Chambaud"

À son retour à Lyon, Auguste s’impose comme le peintre incontournable pour tous les notables qui veulent se faire tirer le portrait. Selon les canons de l’époque, le modèle est figuré à mi-corps dans un intérieur richement meublé et décoré à la dernière mode. À l’image d’Ingres, l’artiste accorde un soin particulier au rendu des bijoux et des tissus. Autre héritage ingresque, la pose et la grâce du modèle ne sont pas sans évoquer les portraits de Raphaël, la référence absolue du maître.


Paul Flandrin, "les bords du rhône près de vienne"

Paul est le seul de la fratrie à faire du paysage son genre de prédilection. Parallèlement à son intense collaboration avec Hippolyte, il expose très régulièrement ses paysages au Salon. L’artiste se spécialise dans le paysage historique et idéal. Il se familiarise avec ce registre poétique durant son séjour en Italie, puis explore les régions françaises afin d’en saisir les plus beaux points de vue. Si la Provence le séduit tout particulièrement, il immortalise aussi sa région natale.

« hippolyte, paul, auguste. les flandrins, artistes et frères »,
musée des beaux-arts de lyon, 20, place des terreaux, lyon (69). commissaires : elena marchetti, et stéphane paccoud. www.mba-lyon.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : Un pour tous et tous Flandrin

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