Tran Ba Vang

Panoplies d'épidermes

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 juillet 2007 - 394 mots

 Avec sa première exposition monographique d’envergure en France, Nicole Tran Ba Vang fête aussi les dix ans de sa jeune carrière, amorcée avec une première série photographique en 1997. Au détour des photographies de mode qu’elle consulte quotidiennement avec sa pratique de styliste, la jeune femme se prend alors à laisser glisser sa souris sur ces corps parfaits et leur inventer des vêtements de peau. Les images s’imposent alors rapidement en cette fin de décennie très avide de rapprocher l’art de la mode. Loin d’être grisée par cet environnement propice, Nicole Tran Ba Vang aura l’intelligence de surveiller ses images de près afin de leur éviter une exploitation mercantile au service de l’industrie de la beauté.
Elle sort deux collections par an, comme les créateurs de mode, et en dix ans certaines ont fait date, comme celle de 2000 où les modèles remontent les fermetures éclair de bottes-jambes équivoques. Entre un surréalisme à la Magritte et une iconographie qui pourrait rappeler le supplice de saint Barthélémy, écorché vif en punition de sa foi chrétienne et devenu ironiquement le saint patron des bouchers, ce travail si singulier de la peau muée en vêtement offre une vision trouble du corps et de ses diktats contemporains.
À Tours, la jeune femme dévoile sa Collection Chloé printemps/été 2007, toute en broderies de laine. Ces ouvrages aux motifs floraux s’insinuent avec une cruauté froide dans les chairs mais comme dans l’iconographie religieuse, les corps ne souffrent pas le martyre. Les modèles affichent, avec une esthétique et un calme glacés, cette violence faite à leur enveloppe charnelle. On pense alors au cynisme désincarné des chirurgiens plasticiens d’une série télévisée américaine, adeptes du charcutage extrême. Il arrive même au travail de surface de s’échapper des photographies pour envahir les cimaises du Centre de création contemporaine (CCC), laissant éclore des dizaines de fleurs de laine aux tons chair.
En 2003, c’était le mannequin qui faisait tapisserie, le corps rongé par le motif des papiers peints à l’arrière-plan. La prise de contrôle de la femme-objet, femme-motif, est, dans ce cadre, troublante. Toujours à mi-chemin entre le monstrueux et la belle image, Nicole Tran Ba Vang sait développer chez son spectateur une fascination morbide et une sensibilité forcément épidermique.

« Nicole Tran Ba Vang, No stress, just strass », CCC, 55, rue Marcel-Tribut, Tours (37), tél. 02 47 66 50 00, www.ccc-art.com, jusqu’au 10 juin 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Tran Ba Vang

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