Toys Stories

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 16 novembre 2011 - 835 mots

Les Galeries nationales du Grand Palais sortent du traditionnel accrochage de peintures pour une exposition événement : « Des jouets et des hommes ». Au même moment, la BNF et les Arts déco dévoilent chacun leur Babar, tandis que Matali Crasset offre au jeune public du Centre Pompidou son Blobterre… L’occasion était trop belle pour L’œil de s’intérresser aux liens qui unissent le jouet aux designers et artistes.

C'est Noël avant l’heure dans les Galeries nationales du Grand Palais, à Paris. Arches de Noé, poupées, ours en peluche, trains électriques, avions, bateaux, voitures à pédales, soucoupes volantes, robots, soldats de plomb… Bref, un millier de jouets, de l’Antiquité à nos jours, ont été rassemblés dans cette exposition d’ampleur intitulée « Des jouets et des hommes ». Concoctée conjointement par la Réunion des musées nationaux et le Musée des arts décoratifs de Paris, celle-ci propose « une histoire du jouet occidental » qui met en lumière « son importance dans l’éducation de l’homme depuis sa naissance », notamment en interrogeant « les rapports ambigus que les enfants entretiennent avec la reproduction en miniature du monde des grands ».

Cerise sur le gâteau – en plastique évidemment –, l’artiste vidéaste Pierrick Sorin, propulsé pour l’occasion directeur artistique de la manifestation [lire entretien], a été invité à concevoir une quinzaine d’installations ou « attractions visuelles » – dixit l’artiste vidéaste –, lesquelles scandent chacune des thématiques développées dans l’exposition : les animaux, l’illusion de la vie, les filles, les garçons, la guerre…

Au Grand Palais, une exposition trop « sérieuse » sur le jouet
D’emblée, le visiteur est agréablement surpris car pris à rebrousse-poil. Celui-ci se retrouve face à la première installation réalisée par Pierrick Sorin : un film désopilant montrant un Père Noël en train de se faire bombarder de cadeaux, au sens propre du terme. On se dit alors, en se réjouissant d’avance, que les clichés auront la vie dure. Que nenni ! Une fois digérée cette tonitruante, mais brève, entrée en matière, l’exposition se remet illico sur des rails beaucoup plus – pour ne pas dire trop… – « sérieux ». D’ailleurs, les jouets sont tous sagement alignés derrière des vitrines, suite aux contraintes de conservation. Fatalement, ce dispositif génère un léger sentiment de frustration, lequel culmine à la vue de cette ribambelle de robots au garde-à-vous, inertes et droits dans leurs bottes en tôle rivetée. On aurait rêvé en voir certains se mouvoir…

Il suffit de parcourir les premières salles pour saisir le propos. Prenez la section « Cheval à bascule », dans la salle dédiée aux « Animaux » : on y trouve, entre autres, un spécimen ancien – qu’aurait chevauché, en son temps, Eugène Louis Napoléon Bonaparte, alors âgé de 6 ans –, une toile de Raymond Lévi-Strauss datant de 1912 représentant son fils Claude sur son cheval mécanique, enfin, un théâtre optique signé Sorin, dans lequel un « bambin » se balance sur l’équidé à bascule en ahanant de manière quasi lubrique. La présentation se veut donc à la fois historique – des objets antiques –, artistique – des œuvres classiques ou contemporaines – et ludique – les « animations » commandées à Pierrick Sorin.

On l’aura compris, l’objectif est de séduire le public le plus large possible. Rien d’étonnant donc à ce que l’on trouve un chapitre « L’âge des médias » qui joue à l’envi sur l’affect, réunissant une flopée de personnages célébrés par la télévision et/ou le grand écran : les Colargol, Mickey, Teletubbies, Casimir, Buzz l’Éclair, Pokémon, Goldorak et autres Dark Vador. Séquence nostalgie assurée pour les « anciens » enfants.

Un parcours de plain-pied dans les clichés
Mais à trop vouloir jouer sur tous les tableaux, le parcours n’affiche aucun parti pris et se contente de dérouler une à une des thématiques « classiques » – d’abord les animaux, puis les automates, ensuite les jouets pour filles, puis les jouets pour garçons, etc. – pour ne dessiner, au final, qu’un inventaire d’objets. Pis, lorsqu’il tente l’analyse sociologique, il ne cherche pas à dépasser la dualité « traditionnelle » mâle-femelle et n’évite pas non plus les poncifs : « La femme au foyer reste un modèle d’identification très fort dans notre société », peut-on lire ainsi sur un cartel dans la partie consacrée aux poupées.

Évidemment, nombre de pièces, en tant que telles, se révèlent remarquables – comme ces jouets mécaniques fabriqués par Fernand Martin vers 1900 – et les découvertes sont légion – telle cette incroyable réplique de la voiture de James Bond, une Aston Martin DB5, offerte en 1966 par le constructeur anglais au prince Andrew. Là n’est pas la question. Mais sans doute aurait-il fallu s’extirper davantage des sentiers balisés et esquisser des thématiques moins stéréotypées. En outre, plus de fantaisie n’aurait point nui.

« Des jouets et des hommes »

Jusqu’au 23 janvier 2012. Galeries nationales du Grand Palais. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 h à 20 h. Nocturne le mercredi jusqu’à 22 h. Tarifs : 11 et 8 €. www.rmn.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°641 du 1 décembre 2011, avec le titre suivant : Toys Stories

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