Tamara de Lempicka

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 avril 2006 - 427 mots

Pour l’essentiel constituée de portraits, l’œuvre peinte de Tamara de Lempicka est aux années vingt-trente ce qu’un Léon Bonnat fut à la fin du XIXe siècle : un peintre mondain, au meilleur sens du mot.
Entre post-cubisme et Art déco, l’artiste, née à Varsovie en 1898 et morte au Mexique en 1980, a su épouser les tendances plastiques de son époque, combinant tradition et modernité, classicisme et géométrie, sensualité et nouvelle objectivité. Volontiers sulfureuses et suggestives, ses peintures de figures mondaines auxquelles font écho de nombreuses figures nues sont à l’unisson du retour au réalisme qui caractérise cette période.
Née Tamara Gorska, la jeune artiste épouse à dix-huit ans Tadeusz Lempicki. Le couple émigre aussitôt à Paris pour fuir la révolution russe.
Inscrite dans différentes académies, elle apprend notamment le dessin auprès de Maurice Denis, devient l’élève d’André Lhote et intègre le milieu de l’art parisien dès le début des années 1920. Elle s’y fait une place d’autant plus aisément qu’elle construit par ailleurs sa réputation en organisant de mémorables réceptions dans son appartement dessiné par Mallet-Stevens. À l’approche de la Seconde Guerre mondiale, Tamara de Lempicka fuit l’Europe vers les États-Unis pour s’installer finalement à Cuernavaca au Mexique.
« Mon but : ne pas copier, disait-elle. Créer un nouveau style, des couleurs lumineuses et brillantes, retrouver l’élégance dans mes modèles. » Tamara de Lempicka peut reposer en paix, elle a rempli son contrat.
Celle qu’on appelait la « splendide Tamara » et qui s’est imposée comme une sorte de Greta Garbo du monde de l’art de l’entre-deux guerres n’en est pas moins une peintre troublante et ambiguë dont les œuvres ne cessent de fasciner.
La galerie de portraits qu’elle nous a laissés, inspirés tant de Ingres que d’une forme expressionniste froide, dit assez l’angoisse existentielle qui règne et dont elle se fait la subtile illustratrice.
Souvent cadrées en gros plan, ses figures sont comme précipitées au devant du regard qui s’y arrête dans un face-à-face toujours dérangeant, comme il en est par exemple du Portrait de Tadeusz de Lempicki (1928).
Tout en même temps, et paradoxalement, Tamara de Lempicka représente ses modèles en proie à une profonde réflexion intérieure qui les éloigne. Il en est ainsi du Portrait de Madame M. (1930), qui est aussi l’occasion d’un jeu somptueux de plissés blancs et bleus, ou bien encore de cette figure nue, si charnelle mais si absente, intitulée Pologne (Suzy Solidor) (1935).

« Tamara de Lempicka », musée des années 30, espace Landowski, 28, avenue André-Morizet, 92100 Boulogne-Billancourt, tél. 01 55 18 46 42, 23 mars-13 juillet 2006.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°579 du 1 avril 2006, avec le titre suivant : Tamara de Lempicka

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