Souvenirs omeyyades

L’Ima célèbre l’Andalousie de l’an Mil

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2001 - 674 mots

De Damas à Cordoue, du VIIIe au XIe siècle, l’Institut du monde arabe évoque la péninsule ibérique musulmane et met en exergue l’héritage andalou dans la culture méditerranéenne. Stèles, chapiteaux, céramiques, bronzes, ivoires, pièces de monnaie ou soieries s’agencent de manière à reconstituer l’ambiance des cours omeyyades.

PARIS - Marquée par le règne des émirs omeyyades (756-929) puis celui des prestigieux califats de Cordoue (929-1031), l’Andalousie a développé une culture originale mêlant les héritages d’Orient et d’Occident. Seuls vestiges de ce que furent de nombreux édifices religieux ou civils, des chapiteaux de marbre aux décors sculptés jalonnent le parcours de l’exposition. Si la plupart d’entre eux sont empreints des modèles antiques, certains illustrent les tentatives des sculpteurs dans la recherche de nouveaux types structuraux. En témoignent le chapiteau de Grenade, dérivé du corinthien et dont la tigelle s’épanouit en fleur (IXe siècle) ou celui sur lequel est inscrite une série de vœux pour le commanditaire, l’“Imâm, le serviteur de Dieu, al-Hakam al-Mustansir billâh, commandeur des croyants” (967-976). Côtoyant ces piliers de l’architecture andalouse, un trône sculpté dans du calcaire (Badajoz, XIe siècle), un fragment de bandeau de frise en albâtre à l’inscription si endommagée qu’elle est indéchiffrable (Saragosse, milieu du XIe siècle) ou encore une stèle funéraire en forme de mihrab (1103) nous laissent entrevoir ce que fut l’architecture des lieux sacrés ou des palais. Dans la tradition des cloisons ajourées, le claustra de Cordoue en marbre (980-990), tantôt attribué à la Grande Mosquée, tantôt à l’une des résidences du vizir, Madîna al-Zâhira ou al-Amîriyya, reprend une tradition datant de la fin de l’Antiquité classique et perpétuée par les pays islamiques jusqu’à nos jours. Les compositions géométriques, parfois très complexes, alliant losanges, carrés, pentagones, s’y ordonnent selon une apparente uniformité.

L’ivoire et la soie, symboles du raffinement
Si les éléments architecturaux réunis nous donnent seulement la possibilité de rêver les splendeurs passées d’al-Andalus, les objets d’art et les étoffes offrent une vision plus concrète de la création hispano-arabe. Les tissus, particulièrement les soieries, étaient des signes de richesse et de pouvoir. Les trois fragments du suaire de saint Lazare, conservés respectivement au Musée national du Moyen Âge de Paris, à la cathédrale d’Autun et au Musée historique des tissus de Lyon, ont été rassemblés pour l’occasion. Provenant des ateliers d’Almeria, cette pièce sur laquelle apparaît un foisonnement de médaillons brodés en soies polychromes et fils d’or, peuplés de personnages et d’animaux, témoigne de l’importance des ateliers de textiles et des nombreuses nouveautés introduites par les Arabes, notamment celle de l’élevage du ver à soie. Avec les textiles, ce sont sans doute les ivoires, essentiellement des coffrets à couvercle plat ou taluté et des pyxides cylindriques, qui symbolisent le mieux le raffinement de la civilisation hispano-arabe et le rôle de la cour comme commanditaire d’objets précieux. Sur les pyxides, les éléments végétaux s’organisent selon des schémas souvent complexes et en apparence symétriques, qui couvrent parfois toute la surface ou servent de toile de fond à un décor figuratif, reprenant les thèmes de la vie princière : chasse, musique, scène de genre... Parmi la sélection, figure la célèbre pyxide d’al-Mughîra (968) faite pour le dernier fils de l’émir, l’année de sa majorité, semble-t-il, comme cadeau d’encouragement à la succession. De nombreux objets furent également réalisés en bronze comme la bouche de fontaine en forme de cerf, qui porte sur son décor gravé des traces de dorure (Cordoue, après 936). L’eau était propulsée dans les pattes de l’animal, et conduite jusqu’à la gueule d’où elle se déversait dans un bassin. Emblèmes du savoir des civilisations arabo-musulmanes, les sciences sont, bien sûr, largement évoquées et concluent la manifestation avec des manuscrits ou instruments, tels le traité de chirurgie d’Al-Zayhrani et le globe céleste (fin XIe siècle), attribué à Ibrahim ibn Saïd al-Sahli.

- LES ANDALOUSIES, DE DAMAS À CORDOUE, jusqu’au 15 avril, Institut du monde arabe, 1 rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris, tél. 01 40 51 38 38, tlj sauf lundi, 10-14 et 18h-20h30, dimanche et jour de fête 10h-14h, catalogue édité par Hazan, 279 p., 200 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°118 du 5 janvier 2001, avec le titre suivant : Souvenirs omeyyades

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