Sophie Ristelhueber, pour mémoire

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 389 mots

A l’inventaire des parcs et jardins de la Ville de Paris, le Luxembourg compte parmi les plus fréquentés des espaces verts de la capitale. Avec son bassin central, son kiosque à musique, ses terrasses, ses tapis de verdure, ses bosquets et sa galerie de sculptures, il offre aux promeneurs, toutes générations confondues, un lieu idéal de flânerie, de repos et de rêve. Comme tous ceux qui l’ont fréquenté, Sophie Ristelhueber, originaire du quartier, en a gardé un souvenir ému et, comme eux, elle y est souvent revenue. Que la photographe que l’on connaît pour ses puissantes images prises sur le terrain abandonné des guerres, au Liban, à Sarajevo ou en Irak, ait choisi de revenir sur celui de son enfance peut surprendre. Il y est pourtant question, ici et là, de mémoire. Certes, d’une mémoire autre, mais non moins fondatrice d’une réflexion sur le temps et sur l’espace, en quête des indices subtils qui attestent à la fois et paradoxalement d’une permanence et d’une métamorphose. Qu’elle ait choisi de présenter ses photographies du Luxembourg au Musée Zadkine, voisin du jardin, peut aussi surprendre, mais n’oublions pas qu’elle a déjà exposé en 1990 chez le sculpteur, dans le petit village des Arques, une série intitulée Mémoires du Lot. Une façon donc d’y revenir, là aussi. Sophie Ristelhueber aime à entasser ainsi les couches du temps, à instruire ses images à l’ordre d’une géologie. Elle aime établir toutes sortes de ramifications entre ses différentes images, tisser des analogies formelles entre telle ligne de démarcation, telle cicatrice sur le corps d’une victime et telle ligne couturée d’arceaux métalliques. Imprimées à jet d’encre sur d’immenses toiles tendues sur châssis, qui envahissent intérieur et jardin du musée, les photographies du Luxembourg sont aussi monumentales que leur motif est réduit à leur plus simple expression. Faites de détails de ces étroites bandes goudronnées qui serpentent au sol pour éviter de marcher dans la poussière du jardin, elles donnent du Luxembourg une image décalée. Qui ne se veut pas repérable mais universelle de l’idée générique de jardin public et qui renvoie irrémédiablement au travail antérieur de l’artiste. Il est vrai que le Luxembourg n’a jamais cessé d’être le terrain privilégié de jeux guerriers de générations et de générations d’enfants !

PARIS, Musée Zadkine, 100 bis, rue d’Assas, tél. 01 43 26 91 90, 14 novembre-23 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Sophie Ristelhueber, pour mémoire

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