Art contemporain

Simon Starling pince-sans-rire

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 6 juin 2019 - 507 mots

Dix ans après le Mac/Val à Vitry-sur-Seine, Le Plateau accueille la première exposition dans une institution parisienne du Turner Prize 2005, à l’humour poético-étrange.

Paris. Bénéficiant ces vingt dernières années de nombreuses expositions personnelles et collectives dans le monde, Simon Starling (né en 1967) était à l’affiche de Manifesta 12, la biennale européenne qui s’est tenue l’an dernier à Palerme, et son travail a fait l’objet d’une exposition monographique au Musée régional d’art contemporain Occitanie de Sérignan en 2017. Mais l’artiste britannique est assez rare dans la capitale.

Les pièces rassemblées au Plateau, d’une grande diversité formelle et pour la plupart spécialement produites, constituent un parcours bref mais dense, conçu comme un voyage. Chacun de leurs différents protocoles ouvre en effet des pistes de réflexion qui enclenchent autant de narrations. Avant d’embarquer, rappelons que Simon Starling s’intéresse toujours au contexte, qu’il accorde une grande importance au processus de production et de fabrication ainsi qu’aux machines, enfin qu’il aime mener à bien des collaborations, parfois très longues, avec d’autres artistes ou artisans.

Situé en haut des Buttes-Chaumont, le Plateau-Frac Île-de-France est bâti sur l’ancien site de la Société française de Production (SFP), à l’origine, entre autres, de l’adaptation, sous le titre de « 1, rue Sésame », de la série télévisée américaine « Sesame Street ». Ce détail a fourni à Starling le prétexte d’une recherche qui l’a conduit à retrouver l’actrice ayant prêté sa voix au personnage français de l’escargot Trépido. L’évidence, alors, fut de faire appel à Hinrich Sachs, artiste qui développe un projet autour des différentes versions nationales de cette série pour enfants. Le résultat de cette collaboration, Ernest, R2D2, Trépido (parler aux humains), vidéo en noir et blanc, est un long plan-séquence du gastéropode débonnaire. Trépido accueille ici le visiteur avec des considérations sur l’actualité française de la fin des années 1970 et sur l’accélération des technologies.

Cette introduction primesautière cède la place à une pièce plus solennelle dont l’intitulé, trop long pour être cité ici – As he buffs the black lacquered… – évoque la technique traditionnelle de laque japonaise telle que pratiquée par Masahiko Sakamoto. Car Simon Starling a collaboré avec le maître japonais pour ce collage en trois dimensions suggérant une silhouette humaine assise en tailleur devant un plateau laqué. L’ensemble est éclairé par deux lampes à ampoule incandescente dont les filaments de tungstène, apprend-on, font la même taille que chacun des deux protagonistes. La poésie étrange qui émane de cette installation le dispute à un sentiment d’absurde. Cette intrication permanente entre des données factuelles complexes et les œuvres sophistiquées qui s’y réfèrent crée ainsi un état d’esprit dans lequel on s’immerge progressivement pour suivre le fil d’une pensée discursive et subtile. De la composition silencieuse 4’ 33’’ de John Cage interprétée sur un piano mécanique dans les studios d’Abbey Road aux connexions explicites entre un ordinateur et un métier à tisser, de la préciosité de la feuille d’or à la dissection d’une presse d’imprimerie coupée en deux, Starling se sert de l’alibi savant de la science pour faire, non sans humour, vaciller nos acquis.

Simon Starling, Catherine, Masahiko, Rex et les autres,
jusqu’au 21 juillet, Le Plateau-Frac Île-de-France, 22, rue des Alouettes, 75019 Paris, www.fraciledefrance.com

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°525 du 7 juin 2019, avec le titre suivant : Simon Starling pince-sans-rire

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