« Seconde main » : original ou superbe copie ?

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 30 septembre 2010 - 393 mots

Le musée d’Art moderne de la Ville de Paris (MAMVP) propose pour un mois encore une approche singulière de l’art du XXe siècle : des copies, de pâles imitations, de vraies supercheries, des œuvres plus vraies que nature, des ersatz, des sosies, des duplicata, des répliques.

Quel que soit le nom qu’on leur donne ou plutôt qu’on leur reconnaît, ils sont tapis un peu partout dans les collections permanentes et se repèrent moins à l’œil nu qu’à une pastille rose et bleue, signal de la supercherie. Cette infiltration, qui provoque immanquablement un effet de jeu de piste, a une conséquence ironique : le dédain que l’on vient à afficher pour lesdits « chefs-d’œuvre ».

Ces « œuvres-sosies », comme les qualifie la commissaire Anne Dressen, ont été réalisées pour la plupart entre les années 1960 et aujourd’hui, faisant fi du principe d’authenticité, piétinant la doxa avant-gardiste de l’originalité. Après tout, les artistes ne sont-ils pas formés en copiant les maîtres ?

Le parcours constitué des œuvres de cinquante artistes allant de Mike Bidlo à Bertrand Lavier, de Jean-Olivier Hucleux à Maurizio Cattelan et Mathieu Mercier, a le bon goût de n’asséner aucune morale. Mais le plus troublant peut-être est ce documentaire qui raconte l’histoire des trois Mariée mise à nu par ses célibataires, même de Marcel Duchamp, dupliquées par les musées, l’original en verre étant intransportable. Le film nous montre les versions de Stockholm, Londres et Tokyo, leurs ressemblances et différences, mettant le doigt sur une donnée clef. Question de contexte ? Pas seulement, la démarche interroge le degré d’acceptation du spectateur combiné à la force du discours institutionnel qui parviendrait à faire passer des vessies pour des lanternes. 

En pleine polémique sur l’authenticité des négatifs d’Ansel Adams retrouvés en Californie, après la victoire de Teri Horton qui avait acheté un Pollock dans une brocante et ne parvenait pas à le faire reconnaître faute de présenter un pedigree reluisant, « Seconde main » s’amuse de l’esprit tortueux des artistes. Preuve en est : l’artiste français Pierre Huyghe a acheté un faux Modigliani peint par le vrai Elmyr de Horty, faussaire célébrissime filmé par Orson Welles en 1974 dans F for Fake. La boucle est bouclée.

« Seconde main », musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, Paris XVIe, tél. 01 53 67 40 00, jusqu’au 24 octobre 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : « Seconde main » : original ou superbe copie ?

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