Représentation

À rugir de plaisir

« Beauté animale » explore cinq siècles de création occidentale à travers le prisme de l’animal

Par Maureen Marozeau · Le Journal des Arts

Le 10 avril 2012 - 453 mots

PARIS - Au moment où la nef du Grand Palais résonnait de bruits feutrés de sabots foulant le sable et de hennissements polis émis par des chevaux aussi élégants que racés venus se toiser lors du très chic « Saut Hermès », les galeries d’exposition voisines levaient le voile sur une ménagerie tout aussi raffinée mais bien plus silencieuse.

Quelques années après « Le Zoo d’Orsay », panorama raisonné des collections animalières du Musée d’Orsay présenté à la Piscine-Musée d’art et d’industrie de Roubaix, Emmanuelle Héran récidive avec une étude de la représentation des animaux dans l’art occidental, de la Renaissance à nos jours. « Beauté animale » ne vise pas l’exhaustivité mais l’exactitude ; en limitant sa sélection, l’accrochage s’autorise la présentation d’œuvres monumentales dans une scénographie aérée, et livre un éventail non négligeable de sujets abordés avec distinction. L’être humain est volontairement absent du parcours, exception faite du public de curieux affublés de masques de carnaval dans une toile de Pietro Longhi, illustrant le célèbre rhinocéros Clara au cours de la halte vénitienne de son périple européen.

L’adage « Montre-moi comment tu représentes les animaux, je te dirai qui tu es » pourrait résumer le propos de l’exposition. Au fil des œuvres et des tendances, les artistes se font anatomistes, chroniqueurs de la société, entomologistes ou simples observateurs amoureux de bêtes… Il suffit de mettre en regard Le Lièvre de Dürer, présent ici au travers d’une copie par Hans Hoffmann, et le Caniche en bois sculpté de Jeff Koons (1991) pour se rendre compte de l’évolution du sujet animal à travers les siècles. Le premier marque le début de la représentation naturaliste des animaux, tandis que le second traduit la mainmise de l’homme sur la race animale, sa propension à l’adapter à son goût tant sur le plan décoratif que génétique. À l’image de la majorité de la sélection, ces deux œuvres en disent long sur l’époque à laquelle elles ont été créées quand elles n’en disent pas plus long sur leur auteur comme sur l’animal lui-même. Le lièvre renvoie l’image d’un artiste méthodique, précis, patient et appliqué qui travaillait à l’époque des grandes découvertes, de l’engouement pour de nouvelles races animalières et de la multiplication des cabinets de curiosité. Le caniche est à l’image de Jeff Koons – propre sur lui, superficiel, mais ne dégageant aucune sympathie – et il est symptomatique d’un art qui joue sur l’effet de surprise, la culture populaire et l’ostentation.

BEAUTÉ ANIMALE

Jusqu’au 16 juillet, Galeries nationales du Grand Palais, 1, avenue du Général-Eisenhower, 75008 Paris, tél. 01 44 13 17 17, www.rmngp.fr, tlj sauf mardi 10h-20h, 10h-22h le mercredi, fermé le 1er mai. Catalogue, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, 240 p., 39 €, ISBN 978-2-7118-5957-3.

BEAUTÉ ANIMALE

- Commissaire : Emmanuelle Héran, conservatrice du patrimoine, directrice scientifique adjoint de la RMN-GP
- Scénographie : Véronique Dollfus

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°367 du 13 avril 2012, avec le titre suivant : À rugir de plaisir

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