À Roubaix, Robert Wehrlin en résistance contre l’oubli

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 14 décembre 2012 - 401 mots

Picasso était à Paris, Matisse à Vence, quand Max Ernst réussissait à quitter Marseille pour New York. Durant la guerre, Robert Wehrlin (1903-1964), lui, résidait à Antony, dans la banlieue parisienne.

Aujourd’hui, il n’a pas la chance de figurer au générique de l’exposition du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, ce qui aurait permis la redécouverte de son œuvre. Et c’est regrettable, car à bien regarder son travail, cet artiste suisse, né et mort à Winterthur, formé par Kirchner et ayant résidé en France depuis 1924, y avait toute sa place. Pourtant, Robert Wehrlin [prononcez « verline »] n’est pas tout à fait absent de l’actualité artistique. Il est même entré dans une forme de résistance à l’oubli à La Piscine qui l’expose actuellement après avoir reçu une importante donation de 174 numéros en 2011. C’est à Roubaix qu’il faut donc aller découvrir ce travail si singulier face à l’histoire et qui n’avait quasiment jamais été montré en France auparavant.

La difficile lecture de l’histoire
Sa série d’estampes antinazies, qu’il réalise en secret dans son atelier francilien, constitue l’un des témoignages poignants de la résistance artistique au fascisme. On y voit un Hitler, plus « Charlot » que Führer, parader un pied nu dans Le monde est fou, saluer une armée de tombes dans Le Cimetière et terminant pendu dans Il faut en finir. Le même Hitler dont il réalise une troublante représentation, coiffé d’une auréole et d’une croix gammée dans un environnement rouge sang, intitulée : Le Mauvais Peintre.

À cette série d’estampes s’ajoutent d’autres évocations du drame, dont La Guerre en Pologne (1939) et un ensemble d’esquisses pour les Cavaliers de l’Apocalypse (vers 1940). Ces ensembles puissants sont une lecture à la fois distanciée (sinon humoristique) et empathique du drame en train de se jouer. Une lecture qu’il faut croiser avec la série de portraits de sa femme peints au même moment, certes moins puissante, mais qui traduit une sérénité troublante. Ils disent toute la complexité de cette période : un artiste suisse marié à une Française, présent dans l’accrochage d’art « dégénéré » en 1937 à Munich, qui dénonce puissament l’idéologie nazie tout en réussissant à obtenir un visa pour aller voir sa famille en Suisse en 1944 grâce à l’intervention de « la Grecque », un ancien modèle qui pose parfois pour lui avant de rejoindre son époux Arno Breker, l’artiste officiel du IIIe Reich.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°653 du 1 janvier 2013, avec le titre suivant : À Roubaix, Robert Wehrlin en résistance contre l’oubli

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