Rois de Naples et de Zadar

La dynastie des Anjou revit à l’abbaye de Fontevraud

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 29 juin 2001 - 704 mots

De 1266 à 1480, depuis leurs terres des bords de la Loire, les princes angevins ont régné sur la Provence, l’Italie et l’Europe centrale, avant de s’éteindre au milieu des fastes de la Renaissance. Afin d’illustrer les grands règnes de la maison d’Anjou, l’abbaye royale de Fontevraud réunit quelque 260 œuvres – sculptures, peintures, enluminures, orfèvreries, dessins, gravures et manuscrits –, dans un parcours brillamment conçu.

FONTEVRAUD-L’ABBAYE - Appelé par le pape en 1266, Charles Ier d’Anjou prend possession du royaume de Sicile, fonde la dynastie des Anjou à Naples puis, par une habile politique matrimoniale, s’empare des royaumes de Hongrie, de Croatie et de Pologne. Installée dans le grand dortoir de l’abbaye de Fontevraud, l’exposition suit l’histoire de ces conquêtes angevines. Les éléments architecturaux encastrés dans les cimaises, comme les trois chapiteaux issus du Musée de Barletta au sud de l’Italie (XIIIe-XIVe) ou les armoiries de Croatie (XIVe), participent au dynamisme de la scénographie imaginée par l’architecte Vincen Cornu, avec une première partie consacrée à Naples, carrefour d’échanges et d’effervescence culturelle. Le Christ rédempteur de Lippo Vanni, longtemps attribué à Simone Martini, a ainsi probablement été exécuté lors de son séjour à Naples, en 1342-1343. Si Martini est représenté par le Saint Ladislas de Hongrie (1342-1344), l’une de ses dernières peintures, l’abbaye n’a pu obtenir le Saint Louis couronnant son frère Robert exécuté par l’artiste en 1317. L’œuvre a été remplacée par une interprétation, réalisée en 1865 par Bernard Benezet, dans laquelle le jeune évêque de Toulouse (à ne pas confondre avec Louis IX, roi de France de 1226 à 1270) au regard fixe, assis sur son trône en habits pontificaux, place la couronne sur la tête de son frère, agenouillé devant lui. Le panneau originel souligne l’importance attribuée par les souverains aux diverses représentations du pouvoir. Pendant toute la période angevine, Naples a également été un centre important de production de manuscrits enluminés. Le Havi seu continens, manuscrit du premier volume dans lequel fut copié en 1279 le traité arabe de médecine de Rhazes, atteste du goût de Charles Ier pour les chroniques et traités scientifiques. La Bible de l’atelier de Cava dei Tirreni (vers 1295) et le Missel de la Bibliothèque nationale de Naples (fin XIIIe), tous deux luxueusement décorés, illustrent quant à eux la haute qualité de certains ouvrages liturgiques.

De nombreux reliquaires
Afin de légitimer son pouvoir, la maison d’Anjou, de Hongrie et de Croatie se référait à un nombre considérable de saints. En témoignent les nombreux reliquaires exposés : le bras (1303-1311) et les souliers reliquaires (1360) de saint Anselme en tôle d’argent doré, la châsse (1326) de saint Chrysogone – réalisés par des orfèvres de Zadar en Croatie – ou encore des bustes reliquaires tel celui de saint Sylvestre. La plus impressionnante des réalisations artistiques de cette époque en Croatie reste la châsse-reliquaire de saint Siméon, exécutée vers 1380. Chef-d’œuvre de l’orfèvrerie gothique, le sarcophage monumental, orné à l’intérieur comme à l’extérieur, a été réalisé par Francesco di Antonio da Milano, qui tenait à Zadar un atelier d’orfèvre. Sur la plaque centrale placée à l’arrière est gravé en latin : “Siméon, ce juste qui tint sur son sein Jésus né de la Vierge, repose en paix dans cette arche qu’offrit selon un vœu pieux la reine de Hongrie, la puissance, illustre et éminente Élizabeth la jeune, en l’an 1380.” Souhaitant engendrer un fils, la femme de Louis le Grand fit réaliser cette châsse pour que saint Siméon, premier à avoir reconnu le messie, intercède en sa faveur. D’autres pièces plus ludiques nous laissent imaginer ce que fut la vie à la cour dans les royaumes d’Europe centrale, comme cet anneau en argent, dorure, gravure et perles (fin XIVe), probablement un don de la reine Élizabeth, sur lequel est inscrit en vieux français “cest – tout – mon – dezir”. Le parcours s’achève sur une copie grandeur nature de la grande porte de bronze de Castel Nuovo à Naples, élevé dans les années 1460, dont les scènes de batailles évoquent la défaite des Angevins et l’installation des Aragon sur le trône napolitain.

L’EUROPE DES ANJOU

Jusqu’au 16 septembre, abbaye royale de Fontevraud, 49590 Fontevraud-l’Abbaye, tél. 02 41 51 71 41, ouvert tlj 9h30-18h30. Catalogue, éditions Somogy, 360 p., 260 F.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°130 du 29 juin 2001, avec le titre suivant : Rois de Naples et de Zadar

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