Angoulême (16)

Relire encore les arts africains

Musée d’Angoulême jusqu’au 3 janvier 2016

Par Virginie Duchesne · L'ŒIL

Le 18 novembre 2015 - 294 mots

Qu’elle est longue, la route vers la reconnaissance des arts africains. Cet automne, la réédition de l’ouvrage emblématique de Carl Einstein sur la sculpture « nègre » célèbre le centenaire de sa parution.

En 1915, le scientifique proposait les premières clés de lecture formelles et artistiques de la statuaire du continent débarrassées de concepts ethnocentrés. En 2015, le Musée du quai Branly donne un nom à leurs artistes dans l’exposition consacrée à la Côte d’Ivoire. Le Musée d’Angoulême tend de son côté à montrer un art qui fut et est encore en perpétuelle réinvention, soumis aux influences internes et externes, se les appropriant et les transformant, comme tout art finalement. La démonstration paraît ambitieuse dans l’unique salle d’exposition du musée mais les exemples sont judicieusement choisis pour poser les bases de la réflexion. Les arts africains ne sont pas des artefacts artisanaux figés dans une tradition immuable. Au contraire, ils vivent et se nourrissent, à commencer par les migrations des populations et par les routes commerciales tracées à l’intérieur même du continent. Puis vient l’islam dont les textes coraniques sont investis de puissance talismanique et perdent leur caractère religieux. De même, l’iconographie du Christ est mixée à celle de la déesse-mère Katyéléo sur le crucifix Sénoufo. Le propos de l’exposition tend finalement à mettre à nouveau à mal la notion d’authenticité, c’est-à-dire un objet produit selon la tradition et pour un rituel, tant les arts africains absorbent la modernité. La chercheuse Monica Blackmun-Visona a filmé des rituels Ibeji faits avec une poupée de chiffon occidentale ou des œuvres achetées sur les marchés pour touristes. Seule l’efficacité est ici recherchée. « L’œuvre ne signifie rien, elle n’est pas un symbole ; elle est le dieu », disait déjà Carl Einstein il y a cent ans.

« Afrique, la croisée des mondes »

Musée d’Angoulême, 1, rue Friedland, Angoulême (16), musee-angouleme.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°685 du 1 décembre 2015, avec le titre suivant : Relire encore les arts africains

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