Redécouvrir Bazille

L'ŒIL

Le 1 octobre 2003 - 346 mots

Justice est enfin faite, pourrait-on dire. Frédéric Bazille connaît, cent trente-trois ans après sa mort, sa première vraie grande rétrospective dans un musée français. Un honneur tardif, mais nécessaire. Parce que Bazille fut l’auteur d’une œuvre particulièrement complexe et étincelante. Parce que cette dernière, faute de temps, n’a pas eu le loisir de s’épanouir pleinement et de figurer aux côtés de celle de proches célèbres, comme Monet ou Renoir. Engagé face à la Prusse, Bazille est tué au front en 1870, à vingt-huit ans, laissant pêle-mêle derrière lui quelques toiles, des amis éternellement reconnaissants, et une carrière achevée trop tôt pour ne pas susciter des frustrations. De Bazille, nous connaissons surtout L’Atelier de la rue de la Condamine (1870) et la Réunion de famille (1868), où s’épanche une lumière vive, franche, inspirée par Manet et Courbet et où se manifeste un sens aigu du dessin, hérité de son enseignement à l’atelier de Gleyre. Mais Bazille ne fut pas que l’homme de deux tableaux. Sa gamme chromatique, d’une richesse rare, s’est toujours ajustée à merveille avec des univers et des styles très divers. Réaliste, naturaliste, postromantique ou préimpressionniste, son œuvre est celle d’un artiste qui se cherche toujours sans se perdre jamais. L’exigence de sincérité et la générosité de sa palette circonscrivent ses multiples cheminements dans un ensemble homogène. Sa Petit Italienne chanteuse des rues (1866), dans laquelle on pourrait égrener à l’envi des influences aussi différentes que celles de Vélasquez, Goya ou Antigna, est à cet égard un modèle d’équilibre entre des tendances antithétiques.
Bazille, qui joua un rôle prépondérant dans le soutien de ses camarades de l’avant-garde parisienne, se fraye avec cette rétrospective une place méritée dans l’histoire de l’art. Place que Fantin-Latour avait symboliquement glorifiée dans son Atelier, en montrant l’artiste de profil, grand et fier, éclipsant légèrement Monet. Celui-ci disait de son ami qu’il « aurait fait parler de lui s’il avait vécu ». Grâce au musée Marmottan, cela devrait être enfin le cas.

« Frédéric Bazille », PARIS, musée Marmottan-Monet, 2 rue Louis-Boilly, XVIe, tél. 01 44 96 50 33, 3 octobre-11 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Redécouvrir Bazille

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