Art moderne

Londres (Grande-Bretagne)

Quand Blake unit les anges aux démons

Tate Britain - Jusqu’au 2 février 2020

Par Dominique Vergnon · L'ŒIL

Le 26 septembre 2019 - 306 mots

Méconnu de son vivant et incompris par ses contemporains, « quelque peu dérangé du cerveau » selon John Ruskin, William Blake (1757-1827) ne cesse depuis un siècle d’être redécouvert et célébré pour le lyrisme et l’éclectisme de son œuvre.

Ses talents sont brillamment mis en lumière au long de cette vaste exposition chronologique comptant plus de trois cents peintures, aquarelles et gravures, certaines rarement présentées. Partout, Blake déploie une prodigieuse imagination qui est pour lui « l’essence même de l’homme ». Le visiteur peut admirer les délicates enluminures et la précieuse calligraphie de son livre le plus emblématique, Songs of Innocence and of Experience, composé en 1794. De l’Apocalypse à la politique, tous les thèmes abordés par l’artiste sont évoqués au sein d’un parcours où la moindre œuvre, souvent de petit format, interpelle le regard. Frayeurs et douceurs s’entremêlent, vertiges gothiques s’unissent aux flammes et aux éclairs. Le rôle de son épouse, Catherine, illettrée, oubliée, formée par ses soins aux travaux d’impression, est à juste titre rappelé. S’il s’inscrit dans le courant romantique, Blake apparaît rebelle aux modes de son temps. Se sachant poète, se voulant prophète, il vit en compagnie d’Homère, de Shakespeare, surtout de Dante dont il illustre dans un élan vertigineux de couleurs célestes et de formes infernales la Divine Comédie. Précis, sinueux, créant des volumes denses et des contours légers, le trait soutient une pensée hallucinée s’envolant vers le cosmos ou roulant vers l’enfer. Tel un démiurge, il peuple son panthéon de personnages fantastiques dont les noms tourbillonnent au fil des poèmes et des salles, Urizen, Los, Och. Pour entrer dans l’univers « blakien », il faut changer de logique et constater que les visions de ce créateur inspiré ont partie liée avec les puissances de l’au-delà. Pas étonnant que les préraphaélites et les surréalistes aient gardé en mémoire le langage mystique et symbolique de cet extravagant graveur.

« William Blake », Tate Britain, Millbank, Londres (Grande-Bretagne), www.tate.org.uk

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Quand Blake unit les anges aux démons

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