Quand Afrique, Asie, Océanie et Amériques cohabitent

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 1 juillet 2006 - 855 mots

Les quatre continents présentés sur le plateau d’exposition de 4 750 m2 communiquent entre eux. Une volonté de conjuguer l’accessibilité aux collections et une muséographie novatrice.

Le musée du quai Branly se proclame musée des Arts et Civilisations, tout un programme. Il veut présenter côte à côte toutes les ­cultures, les faire se rencontrer, se comprendre. Finie la condescendance. Chaque peuple doit se réapproprier son histoire, sa fierté.
L’Afrique est envisagée dans sa totalité, y compris le Maghreb et Madagascar. La statuaire admirée par les cubistes jalonne le parcours. Statues d’ancêtres et statues royales, ici une monumentale statue androgyne de style djennenke, là une reine bamileke du Cameroun, toute perlée de rouge. Plus loin encore, un masque tombula Vili, destiné à permettre à un devin de se trouver, au cours des rituels, en présence des esprits, voisinage mortel pour tout humain non protégé.
Une seconde piste est jalonnée par les objets de la vie quotidienne, de nombreux textiles, cotonnades teintes à l’indigo, ou tissus de laine, châle tunisien, cape de berger marocain. Les instruments de musique, voisinent avec leur accompagnement sonore originel.

Le quai Branly, un musée des arts et des civilisations
En Amérique, les Précolombiens surgissent de leur profondeur historique, créateurs de civilisations, tous ces peuples vivant au nord comme au sud pendant vingt-cinq siècles avant l’arrivée des
Espagnols. Les plus anciens sont les Olmèques, que rappelle une figurine à traits félins de pierre verte résumant les caractères de cette première civilisation. D’autres empires se succèdent, Teotihuacán, les Mayas, grands intellectuels, et les Aztèques, derniers vainqueurs. Au sud, dans les Andes, les habitants de Chancay revivent dans leurs admirables vases-portraits, ceux de Paracas dans leurs précieux textiles funéraires. Derniers venus, les Incas seront vaincus par les hommes de Cortez.
Durant la période coloniale, les Amérindiens ont su fabriquer des vêtements à partir des peaux de bisons et se sont révélés d’admirables coloristes transfigurant la réalité par leurs créations de plumes.
Le département Asie laisse au musée Guimet tout ce qui concerne les cours royales, mais apporte en complément le vécu ethnographique, religions populaires, chamanisme de Sibérie et ­cultures villageoises. Toutes sortes de vêtements illustrent cette lente vie des campagnes contrastant avec de folles chevauchées sur une selle d’Ouzbékistan.
Le domaine de l’Océanie, cher aux surréalistes, commence avec la Mélanésie, un monde en soi perçu à travers quelques thèmes, chasse aux têtes des îles Salomon, rôle du chef en Nouvelle-Calédonie, importance des masques terrifiants. On passe ensuite en Polynésie où se fabriquent les tapas, tissus en écorce battue. Né dans les îles Gambier, un support à ­offrandes donne la juste mesure de la spiritualité de ces populations. Pour l’Insulinde, un masque de flûte de Papouasie-Nouvelle-Guinée, supposé faire entendre la voix des ancêtres relatant leurs faits de guerre, donne une idée du caractère secret, infiniment complexe de ces cultures.

Un système d’information qui accompagne tous les regards
Art et artisanat se complètent partout pour recréer des ensembles visant à remettre chaque œuvre dans le vécu qui lui était propre. Pas de hiérarchie entre les objets, entre une précieuse sculpture et une céramique de la vie quotidienne. C’est leur juxtaposition qui les fait revivre, même si l’une est née sous le ciseau d’un sculpteur inspiré et l’autre entre les mains d’une femme qui la vendra au marché. Selon les cas, pour les faire vivre, les œuvres seront accompagnées d’écrans vidéo, de programmes sonores à proximité des objets ou bien de spectacles, danses et musique à l’auditorium.
À l’intérieur de chaque aire géographique, des espaces thématiques soulignent les constantes et les ruptures matérialisées par les objets. Ils fournissent des repères historiques ou techniques révélant les migrations ou les courants culturels, par exemple le travail des métaux ou les contacts entre Maghreb et Proche-Orient.
Se mettre au niveau de chaque visiteur, lui apporter ce qu’il cherche, et un peu plus, tel est finalement le but dans ce musée. Pour les étudiants, c’est un véritable campus avec toutes les ressources souhaitables. Quant à tous les autres, les non-spécialistes, adultes et enfants, ils trouveront à chaque visite la documentation et les animations nécessaires, pour comprendre et apprécier.
Tout visiteur issu d’un pays qui a créé des œuvres présentées doit se sentir fier. Il ne s’agit plus de découverte, mais de retrouvailles. On imagine que la présence d’une jarre kabyle exposée fera chaud au cœur de plus d’un habitant du Maghreb. Pour tous, en effet, le musée du quai Branly veut être un point de passage riche et fécond, une interface entre les civilisations mises en vedette, il veut rendre accessible à tous la richesse de tous. Partout, on veut donner les clés pour comprendre, tout en laissant libre cours à l’émotion.

Repères

1996 Création d’un musée des Arts et des Civilisations, sous l’impulsion du président Chirac. 1998 Le gouvernement décide d’implanter le musée quai Branly. 1999 En janvier, lancement d’un concours international de maîtrise d’œuvre. Désigné en décembre, le lauréat est Jean Nouvel. 2000 Parallèlement, 100 chefs-d’œuvre d’Afrique, des Amériques et d’Océanie s’installent au pavillon des Sessions au Louvre. 2003 Fermeture du Musée national d’art d’Afrique et d’Océanie situé à Vincennes. 2006 Le 23 juin, le musée du quai Branly ouvre ses portes au public

Autour de l’exposition

Informations pratiques Le musée du quai Branly présente 3 500 œuvres d’Afrique, d’Asie, des Amériques et d’Océanie parmi les 300 000 que comptent ses collections. Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 18 h 30 et le jeudi jusqu’à 22 h. Tarifs : 8,50 € et 6 €. Musée du quai Branly, 27, quai Branly, Paris VIIe, tél. 01 56 61 72 72, www.quaibranly.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°582 du 1 juillet 2006, avec le titre suivant : Quand Afrique, Asie, Océanie et Amériques cohabitent

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