Histoire

XIXE SIÈCLE

Promenade au palais de Saint-Cloud

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 16 janvier 2020 - 999 mots

Le Musée des Avelines a réuni une centaine d’objets et œuvres provenant du palais disparu, pour une exposition reconstituant avec bonheur l’atmosphère qui y régnait sous le second Empire.

Saint-Cloud (Hauts-de-Seine). L’année 2020 marque le centième anniversaire de la mort de l’impératrice Eugénie (1826-1920), laquelle « mérite une réhabilitation » selon Emmanuelle Le Bail, directrice du Musée des Avelines. L’épouse de Napoléon III avait en effet été très active dans l’aménagement du palais de Saint-Cloud, résidence d’été où elle vécut des jours heureux. Or le Musée des Avelines détient depuis 2014 un album de photographies de Pierre Ambroise Richebourg contenant 99 vues du palais prises vers 1868. Ces clichés en noir et blanc constituent un fonds inestimable pour connaître le lieu et son ameublement sous le second Empire, auquel on peut adjoindre des sources complémentaires. Ainsi, « les devis et factures de travaux conservés par le domaine national de Saint-Cloud permettent d’avoir des descriptions très précises des matières et des tissus utilisés pour un certain nombre de pièces », note la conservatrice. D’autres photographies existent, telles les 13 vues stéréoscopiques transparentes coloriées éditées par Adolphe Block, que conserve le Musée des Avelines.

Dans le livre Saint-Cloud, le palais retrouvé (coéd. Swan/Éditions du patrimoine, 2013), Bernard Chevallier, conservateur général honoraire du patrimoine, avait entrepris de retrouver la trace des objets qui se laissaient deviner dans l’album Richebourg. Depuis, d’autres sont reparus sur le marché (issus par exemple de la vente de 1927 ayant suivi le décès de l’Impératrice) et la recherche s’est poursuivie, notamment au Mobilier national. Cette institution hérite du Garde-Meuble impérial où, de même que vers le Louvre, on commença à déplacer peu après la déclaration de guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, avec l’assentiment de l’Impératrice et sous la direction du commandant Armand Schneider, les trésors du palais. Les réserves du Mobilier national recèlent donc aujourd’hui une grande partie des meubles, tapisseries et porcelaines de Sèvres évacués en 1870 – sage précaution puisque le palais brûla le 13 octobre et fut détruit en 1892.

Une « déambulation dans le palais »

Coproduite avec le Mobilier national, qui a procédé à de nombreuses restaurations, l’exposition du Musée des Avelines est une mise en scène de ces témoins qui « racontent une histoire », dit Emmanuelle Le Bail. Si les moyens du musée sont assez modestes (ce qui explique que tous les objets viennent de France), l’unanimité s’est faite autour du projet : Bernard Chevallier et Arnaud Denis, inspecteur des collections du Mobilier national, en sont les co-commissaires avec la conservatrice qui loue la « bienveillance » dont ont fait preuve les institutions détentrices d’œuvres et d’archives.

Conçu comme « une déambulation dans le palais », le parcours est jalonné de reproductions géantes des photographies de Richebourg servant de toile de fond aux meubles, tapisseries, porcelaines, sculptures ou tableaux que l’on peut y reconnaître.

Le visiteur découvre les couleurs chatoyantes dans lesquelles vivait le couple impérial tandis que l’historien Philippe Le Pareux les montre bien dans le film de reconstitution qu’il a réalisé pour l’exposition. Un coupon de lampas broché provenant de la chambre rouge, un autre tiré de la garniture de la chambre de l’Empereur créent une proximité avec les illustres occupants du palais qui s’étaient entourés de souvenirs de famille : dans son bureau, le chef de l’État pouvait admirer le portrait de son épouse, mais aussi celui de la duchesse d’Albe, sa belle-sœur, tous deux peints par Franz Xaver Winterhalter. Près de son lit se trouvait un portrait de sa mère, la reine Hortense, par François Gérard. « Nous ne montrons pas le tableau de Saint-Cloud, qui est conservé dans la famille impériale, précise Emmanuelle Le Bail. Mais l’atelier de Gérard en avait fait une copie qui appartient à la Malmaison et est conservée à Versailles. C’est celle-ci que nous présentons. » Sur la centaine de pièces exposées, c’est l’un des très rares cas où le visiteur n’est pas face à l’objet même avec lequel vivait le couple impérial.

La médiation est exemplaire : tous les cartels sont développés et les textes de salle permettent de se repérer dans le plan du château et d’en connaître l’évolution du XVIIe au XIXe siècle. Car l’un des atouts de l’exposition est de donner de l’épaisseur à ce temps figé. Dans le salon de Mars, les plafonds de Pierre Mignard surplombaient l’extraordinaire borne-jardinière créée par Camille Ladvocat, qui n’en produisit que deux : l’une pour le palais royal de Madrid, l’autre pour Saint-Cloud (1857). Cette dernière, trop encombrante pour être transportée (4,5 m de haut, 3 m de diamètre), ne fut pas évacuée, non plus, bien entendu, que les plafonds du peintre de Louis XIV. Un temps dont se jouait aussi le couple impérial, qui choisissait un mobilier éclectique et confortable (l’Impératrice avait par exemple fait capitonner des sièges du XVIIIe siècle) et qui a marqué la vie des objets. Sur la Table de famille marquetée d’Henri Léonard Wassmus, se voient encore les traces d’un dégât des eaux occasionné par les vases de fleurs que l’on y disposait, à l’Élysée, du temps du général de Gaulle…

La deuxième vie de l’impératrice Eugénie  

Récit biographique. Lorsque l’épouse de Napoléon III quitte précipitamment la France pour l’Angleterre en 1870 après la défaite de Sedan, elle est âgée de 44 ans. L’Empereur déchu la rejoint quelques mois plus tard, mais décède en 1873, tandis que leur unique fils et enfant est tué par les Zoulous en 1879 en Afrique du Sud, sous l’uniforme anglais. Fortunée, peu soucieuse d’entretenir la flamme de l’Empire, tolérée par le gouvernement français, l’impératrice Eugénie, fréquentant toutes les têtes couronnées d’Europe, mène une (longue) existence confortable dans ses différentes résidences, sur son yacht et en voyage à l’étranger. L’auteur, Étienne Chilot, dresse ainsi le portrait d’une femme libérée et volontaire différent de celui de la femme protocolaire. Malgré son tropisme un peu « Journal des rois et princesses », l’ouvrage invite à la lecture grâce à ses nombreuses photographies d’époque.

 

Étienne Chilot, Dans l’ombre d’Eugénie. La dernière impératrice en exil,

éd. Le Charmoiset, 220 p, 39 €.

 

Jean-christophe Castelain

Les derniers feux du palais de Saint-Cloud,
jusqu’au 23 février, Musée des Avelines, 60, rue Gounod, 92210 Saint-Cloud.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°537 du 17 janvier 2020, avec le titre suivant : Promenade au palais de Saint-Cloud

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