« Mon père avait raison, je l’ai trouvée, mon île au trésor, je l’ai trouvée dans mon monde intérieur, lors de mes rencontres, dans mon travail.
Passer ma vie dans un monde de fantaisie, ce fut mon île au trésor. » En consacrant une exposition à Hugo Pratt (1927-1995), le Musée des Confluences rend non seulement hommage à un monstre sacré de la bande dessinée – son personnage Corto Maltese, marin de légende au charme flegmatique, est d’ailleurs une icône excédant largement le champ du neuvième art –, mais surtout aborde l’œuvre immense de ce romancier graphique de génie sous un angle inédit : puisque son aventurier baroudeur a parcouru maints territoires et rencontré des peuples autochtones du monde entier, du Grand Océan (Océanie) au Grand Nord canadien via l’Amazonie, les peuples du Soleil (Amérique précolombienne, île de Pâques), l’Afrique des masques et guerriers et le temps des Indiens d’Amérique, cette manifestation fait dialoguer cent trente planches et aquarelles originales du maestro vénitien avec une centaine d’objets ethnographiques dont certains ont directement servi de modèles au dessinateur pour planter le décor réaliste de ses aventures teintées d’exotisme et d’ironie. Centré autour d’une grande table lumineuse interactive présentant la carte des géographies « prattiennes », le parcours offre au visiteur la possibilité de naviguer librement au sein d’un circuit labyrinthique abordant tout autant ses sources d’inspiration principales (Milton Caniff et l’âge d’or d’Hollywood) que les géographies lointaines d’Hugo et de Corto. Au final, le voyage s’avère passionnant. Seul bémol, si l’album de l’expo est, de prime abord, avec son aspect leporello qui se déplie, séduisant, il s’avère à l’usage peu commode à manipuler.
Musée des Confluences, 86, quai Perrache, Lyon (69), www.museedesconfluences.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Prendre le large avec Hugo Pratt