Philippe Gronon, le photographique pour lui-même

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 janvier 2003 - 353 mots

Pour fêter le cinquième anniversaire de sa création, la Maison des Arts de Malakoff qui a su très rapidement occuper une place dans le paysage artistique tout à la fois parisien et francilien a choisi de présenter un photographe. Une première en ce lieu qui lui permet du même coup de s’inscrire à l’inventaire des manifestations du Mois de la Photo. S’il vit et travaille à Malakoff, l’invité – Philippe Gronon – compte d’abord et avant tout parmi les jeunes photographes de sa génération – il est né en 1964 – qui se sont imposés depuis une dizaine d’années. Déclinée sur le mode de la série, son œuvre s’en prend à des motifs explicites dont le point commun est leur relation au temps. Qu’il s’agisse d’écritoires, de tableaux noirs, de fichiers de bibliothèque, de pierres lithographiques, de tas de fumier ou de châteaux de sable, il y est toujours question de traces, sinon d’objets dont l’existence est dans une étroite dépendance avec la notion de temps écoulé, dans une savante collusion entre mémoire et savoir. Mais par-delà le motif, la motivation fondamentale qui gouverne l’artiste est la question du fait photographique lui-même. Les sujets auxquels s’intéresse Gronon ne sont que prétextes à extraire leur part abstraite pour tenter d’en excéder la réalité. Quand bien même le photographe insiste sur le fait que tous ses modèles ont une « valeur d’usage », il dit s’appliquer en les saisissant à « diminuer la part d’interprétation subjective » qui est la sienne en vue « d’intensifier la présence de l’objet à l’image ». C’est dire si sa démarche se détermine entre deux extrêmes, dans un écart entre le littéral et l’abstrait, entre le mémorable et le présent, l’évident et l’occulte, comme en témoigne cette dernière pièce qu’il a réalisée tout spécialement pour cette exposition : un monumental tableau noir photographié dans une école à Malakoff, présenté en forme de triptyque. Le regard y est confronté comme à un immense écran, comme s’il s’agissait de le retourner à son propre apprentissage, celui d’un aveuglement à tâtons du champ photographique lui-même.

MALAKOFF, Maison des Arts, 16 novembre-10 janvier.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Philippe Gronon, le photographique pour lui-même

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