Philippe Favier, graveur malgré tout

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 21 février 2012 - 631 mots

Philippe Favier expose actuellement au Musée Granet (Aix-en-Provence). Exposition qui se rendra à Chambéry
à partir du 19 mai prochain.

S'il a suspendu depuis 2000 toute activité de gravure, son œuvre – qui compte quelque cinq cents planches – en appelle volontiers à des procédés techniques similaires. Aussi, dans le monde des arts plastiques, Philippe Favier passe-t-il toujours pour un graveur émérite et singulier. Entretien à propos d’un médium qui l’a signé.

L’œil : En 1982, en réponse à un questionnaire du Musée national d’art moderne, vous disiez être « graveur ». À cette date, vous n’aviez pourtant pas encore beaucoup pratiqué la gravure. Pourquoi une telle affirmation ?
Philippe Favier : Lorsque j’étais à l’École des beaux-arts de Saint-Étienne, j’avais fait une quinzaine de gravures en prenant des plaques totalement rayées qui traînaient sous les presses de l’atelier, mais c’était davantage pour taquiner mon professeur que par goût de la technique. Il s’agissait d’une quinzaine de planches, ce qui n’était déjà pas si mal ! Et c’est pourquoi je me disais graveur.

L’œil : Vous ne le diriez plus aujourd’hui ?
Ph. F. : Trente ans plus tard, j’ai des doutes sur ma capacité à me dire que je suis vraiment graveur. Je ne me pense ni peintre ni graveur, mais entre les deux. C’est plutôt mon goût pour le dessin qui structure ma démarche. Si je suis graveur, c’est parce que la gravure me permet de rayer les choses, de les griffer, de les blesser. J’utilise les outils de la gravure pour ce qu’ils sont perçants, percutants, mais ce qui fait la noblesse de la gravure ne m’intéresse pas vraiment. Je n’en ai pas moins un amour inconsidéré pour le grand art des taille-douciers qui sont des personnes extrêmement modestes. Je dois d’ailleurs beaucoup, par exemple, à René Tazé qui est un
maître en la matière.

L’œil : S’il y a eu les vieilles plaques de l’école, il y a eu aussi dans les années 1980 les couvercles
de boîtes de sardines [série des Capitaine Coucou]. Pourquoi avoir le plus souvent privilégié les matériaux de récupération ?
Ph. F. : Je suis de nature espiègle et j’ai toujours voulu me moquer de l’excès de sérieux de l’enseignement qui nous était dispensé à l’école. Ce qui m’a intéressé avec les boîtes de conserve, c’est que je travaillais là avec des supports qui étaient non pas rayés mais déjà
gravés. Une façon de rejouer la gravure sur le même support.

L’œil : Qu’est-ce qui vous intéresse en fait dans la gravure ?
Ph. F. : C’est une pratique de proximité, un exercice que l’on accomplit assis et qui a à voir avec l’écriture. J’ai toujours revendiqué la distance de lecture de mon travail, quelle qu’en soit la nature. Pour moi, la gravure, c’est comme des travaux de vacances, une sorte d’exercice de détente. De plus, pour le gaucher que je suis, le fait qu’on dessine dans un sens qui ne sera pas celui de la lecture, c’est passionnant.

L’œil : Quel genre de graveur êtes-vous ?
Ph. F. : Ce que je me suis toujours refusé à faire en gravure, c’est travailler la matière. Une seule chose m’intéresse, c’est le trait. Rien de plus excitant que celui de la pointe sèche quand on attaque directement la plaque sans utiliser d’acide. Il y a toute une énergie qui se transcrit dans la profondeur du trait ; ça passe ou ça casse, et c’est ça qui est passionnant. Il n’y a pas de repentir possible. On ne sait pas vraiment ce que l’on fait. De plus, l’impression bouleverse tout. En ce sens, la gravure est un territoire d’infinie liberté.

« Philippe Favier. Corpuscules »

Musée Granet, place Saint-Jean- de-Malte, Aix-en-Provence (13), www.museegranet-aixenprovence.fr, jusqu’au 22 avril 2012. L’exposition sera présentée au Musée des beaux-arts, Chambéry (73), www.chambery.fr, du 19 mai au 22 septembre 2012.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Philippe Favier, graveur malgré tout

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