Petite anthologie de la modernité allemande

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 22 décembre 2009 - 385 mots

C’est au Norvégien Munch et sa Jeune fille au chapeau rouge (1905) que revient d’ouvrir le bal.

Œil charbon, chair orangée, manteau rouge sali d’un grossier quadrillage au trait noir, le petit visage fermé semble comme aggravé par la touche tourmentée et économe d’un Munch déjà modèle de la jeune garde allemande. La toile place clairement l’exposition sous le signe de la libération de la couleur et de l’intériorité. Et subjectivité bis, c’est à un trait affranchi de toute pudeur que revient la conclusion de l’exposition : un cabinet graphique abritant la Nouvelle Objectivité qui viendra prendre le relais d’un expressionnisme moribond. Y figure en bonne place la Léonie (1923) grimaçante d’Otto Dix, portant grotesque chapeau à plume, joues creuses, cernes plissés et bouche dévorante.
 
Entre les deux, entre le tournant du siècle et le cœur des années 1920, la modernité allemande aura donc fait son lit agité. C’est ce que démontre le musée Von der Heydt associé au musée Marmottan, qui tressent trésors de l’expressionnisme allemand – dans toutes ses variations – et toiles d’obédience fauve. Une reconnaissance de dette exhumée depuis longtemps.
 
Ni les uns ni les autres ne répondent à un programme univoque, mais tous rompent presque simultanément avec l’imitation des apparences. Construction de l’espace par une couleur aussi explosive qu’arbitraire pour les uns, libération antinaturaliste révélant une réalité intérieure pour les autres. Bouleversement de la peinture pour les uns, bouleversement du sujet peignant pour les autres.
 
Avec quelques indécis, à l’image des petits paysages matissiens de Kandinsky autour de 1908, organisant leurs compositions autour de l’expression sans contrainte des couleurs. À l’image de Kees Van Dongen et son Nu de jeune fille de 1907 à longue chevelure bleue tachetée de rouge, en écho à sa scandaleuse toison cramoisie. « Je suis comme une vache, soupire Van Dongen. Je regarde, je peins comme je vois ».
 
Mais l’exposition donne encore et surtout l’occasion de repérer la pluralité des expressionnismes. Entre Die Brücke et der Blaue Reiter. Entre silhouettes tranchantes et urbaines déformées par Kirchner et le superbe Renard d’un bleu noir, lové en parfaite harmonie avec rythmes et courbes de la nature.

« Fauves et expressionnistes de Van Dongen à Otto Dix, chefs-d’œuvre du musée Von der Heydt », Musée Marmottan Monet, 2, rue Louis-Boilly, Paris XVIe,
www.marmottan.com, jusqu’au 20 février.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Petite anthologie de la modernité allemande

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