Paul Klee, l’architecte aux « carrés magiques »

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 1 novembre 2006 - 394 mots

Jeux de lignes horizontales et verticales, structures en forme de grilles, déclinaisons autour de figures géométriques, etc., l’œuvre de Paul Klee (1879-1940) fourmille en compositions puissamment construites. Qu’elle réfère au réel, comme dans Coupoles rouges et blanches (1914), ou qu’elle frise l’abstraction, comme dans Villas florentines (1926), elle révèle une passion effrénée pour l’architecture. Tel est d’ailleurs le titre éponyme qu’il donne à l’une de ses œuvres en 1923, laquelle s’offre à voir comme un damier de couleurs se dressant en façade dans le jeu clair-obscur d’une palette aux tons extrêmes.
Paul Klee a vingt-deux ans quand il découvre, lors d’un voyage d’étude en Italie, le canon des proportions des constructions de la Renaissance. Dès lors, perspective et nombre d’or s’imposent à lui comme les bases nécessaires à toute création. S’il ne fait pas son credo des canons du temps passé, il les tient en revanche volontiers comme exemplaires d’une réflexion sur ses propres outils et ses préoccupations artistiques. À l’instar des rapports qu’il entretient dans son œuvre à la musique, à la nature et à la philosophie, l’architecture lui offrira toute sa vie une source d’inspiration essentielle.
Son attirance pour la radicalité du cubisme, son intérêt pour le constructivisme, sa fascination pour les projets utopiques des architectes expressionnistes ne se retrouvent pas seulement dans son œuvre, mais aussi dans l’enseignement qu’il prodigue au Bauhaus. Si la couleur est au cœur de celle-ci – « La couleur et moi sommes un », disait-il –, elle est au service d’une iconographie qui multiplie les figures de ponts, de coupoles, d’églises, de châteaux et de villes, sinon de rectangles, de carrés et de bandes, comme il en est dans Le Pont rouge (1928).
En s’appliquant à mettre ainsi en exergue l’aspect proprement « architecturé » de l’œuvre de Paul Klee, l’exposition de Sarrebruck nous conduit à porter sur elle un regard rénové. Elle éclaire notamment les rapports qui fondent l’art de Klee entre surface et espace, entre réel et imaginaire, dans cette façon de « rendre visible » un monde enchanté. Un monde où, comme l’écrit l’artiste, « l’architecture des hommes rejoint celle de la géologie, et où les maisons se forment en colonnes, les cristaux composent des fugues et les carrés sont magiques ».

« Paul Klee : Temples-Cités-Palais », Saarland Museum, Bismarckstr. 11-19, Sarrebruck, Allemagne, tél. 00 49 681 99 640, jusqu’au 14 janvier 2007.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°585 du 1 novembre 2006, avec le titre suivant : Paul Klee, l’architecte aux « carrés magiques »

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