Paul Klee entre plastique et politique

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 avril 2003 - 337 mots

Alors qu’en janvier 1933 Hitler accède au pouvoir, Klee jouit d’une solide renommée internationale, tout en enseignant à l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf. Bientôt diffamé dans la presse, puis brutalement destitué de sa chaire professorale, Klee n’aura d’autre issue que celle de quitter l’Allemagne. À la fin de l’année, la famille trouve finalement et définitivement refuge à Berne, berceau natal du peintre. Curieusement, au cours des mois précédant son exil, Klee travaille plus que jamais. Le résultat en est une série déroutante de quelque deux cent quarante-six dessins, exécutés au crayon ou au pastel. Avant Berne puis Hambourg, la Lenbachhaus de Munich en dévoile pour la première fois une substantielle partie, complétée par une vingtaine de tableaux exécutés la même année. La redécouverte d’une série que l’on crut longtemps perdue créera sans doute l’événement. En témoigne le solide catalogue consacré à l’ensemble du cycle. Mais l’intitulé de l’exposition, « Paul Klee 1933 », suppose une corrélation inattendue entre le plastique et le politique. Une menue correction effectuée sur l’image communément perçue d’un Klee retiré dans l’élaboration savante d’une poésie plastique. Les figures réalistes et les petits personnages croqués évoquent, selon le peintre lui-même, la « révolution nationale-socialiste ». Utilisant des procédés graphiques proches de la farce ou de la satire, le peintre esquisse une série de dessins nerveux, aux tracés denses et pressés. Sans jamais nommer l’ennemi, Klee multiplie les saynètes grotesques, fustigeant
le fascisme naissant. Les titres absurdes, le trait incisif et rapide cèdent parfois à une ironie douloureuse, à une résignation distanciée, signalant l’impuissance de l’artiste en même temps que la nécessité de son inscription dans le réel. Si le dessin s’affirme généralement chez Klee comme un laboratoire formel ou un objet théorique autonome, ces croquis politiques surprennent par leur lecture immédiate et leur caractère franchement figuratif. Au-delà de leur nature de commentaire, ils préfigurent encore le principe sériel développé plus tard pour des séries comme celles des Anges ou des Eidola.

MUNICH, Lenbachhaus, Lusenstraße 33, tél. 089 23 33 20 00, 8 février-4 mai.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°546 du 1 avril 2003, avec le titre suivant : Paul Klee entre plastique et politique

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque