Papier peint et moquette

Didier Marcel et François Curlet en ménage à Sète

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 5 janvier 2001 - 488 mots

Invité à exposer à Sète, Didier Marcel a proposé à François Curlet de venir habiter le centre d’art avec lui. Au-delà de ce geste généreux et amical, les deux créateurs présentent chacun, dans des espaces distincts et dans le langage qui leur est propre, des interventions qui se questionnent et se répondent pour véritablement construire une dialectique centrée sur la question du rapport à l’œuvre et au lieu.

SÈTE - Le Centre d’art de Sète s’est coiffé, depuis quelques semaines, d’une bâche orange qui court tout le long de son auvent de béton, un accessoire qui fait indéniablement penser aux stores qui ornent les villas de bord de mer. Cette intervention de François Curlet, pour discrète qu’elle soit, donne d’emblée le ton de la double exposition que propose ce dernier avec Didier Marcel au Crac Languedoc-Roussillon. Les artistes ont en effet véritablement pris possession des lieux pour en faire leur “maison”, articulant en bonne part la problématique autour des questions d’espace public et d’espace privé, de dedans et de dehors.

La première intervention, géographiquement parlant, de Didier Marcel constitue justement une mise à distance, puisqu’une plaque de Plexiglas interdit de pénétrer à l’intérieur de la salle dans laquelle tournent inlassablement de grandes éoliennes blanches arrimées sur de l’asphalte. Ce revêtement n’est pas fortuit car l’artiste a recouvert le sol de l’espace contigu d’une moquette du plus bel effet sur laquelle il a posé une non-architecture, une cabane transposée de la banlieue de Dijon, dont il nous offre une réplique à l’identique. Ici encore, impossible de pénétrer dans cet abri qui prend une dimension purement sculpturale. Comme dans la pièce qui lui succède – des rondins de bouleau posés sur une fourrure mouchetée qui évoque l’aspect du bois –, Didier Marcel déjoue les rapports entendus du visiteur à l’œuvre et propose une réflexion portant à la fois sur les conditions mêmes de l’exposition et sur celles de leurs influences sur sa perception. Cette problématique se retrouve dans le papier peint dont Curlet a recouvert une bonne partie du centre d’art. Le motif choisi par l’artiste n’est autre que celui des dix formes mises au point par Rorschach, un test couramment utilisé en psychologie, et qui se base justement sur l’interprétation de dessins par les patients. L’art de François Curlet rejoint alors celui de Didier Marcel dans un jeu sur le décoratif, mais détourné de sa fonction purement esthétique pour se transformer en outil contextuel, et devenir un instrument de mise en conditions. Ces formes et motifs ne sont ni plus ni moins que les éléments d’une grammaire du déplacement jamais bavarde, mais qui sait se satisfaire du geste simple et même “homéopathique”, pour reprendre un terme médical. Tout est en effet une question de dose quand il s’agit de toucher à l’essentiel.

- DIDIER MARCEL – FRANÇOIS CURLET, Jusqu’au 14 janvier, Centre régional d’art contemporain (Crac) Languedoc-Roussillon, 26 quai Aspirant Herber, 34200 Sète, tél. 04 67 74 94 37

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°118 du 5 janvier 2001, avec le titre suivant : Papier peint et moquette

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