Mille sabords

Un sabre intimidant, une chemise ivoire, une barbe pourpre, un œil crevé, une oreille percée : pirate ou corsaire, l’écumeur des mers est un personnage emblématique de la bande dessinée, un héros de l’imagerie populaire. D’est en ouest, d’Épinal à Angoulême, le boucanier est une icône, de celles qui permettent de dire les contradictions du monde, ses envers et ses endroits, ses revers et ses fortunes.
Face à ces escrocs des hautes mers, à ces forbans océaniques, la présente exposition invite au voyage en balayant les classiques du genre – Barbe-Rouge de Charlier et Hubinon – et en abordant des rivages inattendus – Pepito de Luciano Bottaro. C’est avec audace, souvent avec drôlerie, que les dessinateurs ont jeté l’encre, et ce depuis la fondatrice série flibustière de Will Eisner – Hawks of the Seas (1938) – jusqu’aux savoureuses Sardines de l’espace qui, en 2009, ont assisté à un sabordage consenti, Mathieu Sapin ayant rejoint Emmanuel Guibert en détrônant Joann Sfar.

Concluante, une section du parcours présente des tirages photographiques d’inoubliables films – de Michael Curtiz, Roman Polanski ou Steven Spielberg. Aussi, feuilletant Isaac le pirate de Christophe Blain ou L’Île au poulailler de Laureline Mattiussi, le lecteur constatera que le septième et le neuvième art ont su réinvestir symétriquement un genre majeur. Une exposition comme une exhortation, donc, celle à revoir notre généalogie et à faire d’Angoulême la jumelle d’Hollywood, tant ses dessins, bien qu’ils ne soient pas animés, agitent notre imagination…