Millais, l’histoire (trop) longue d’un prodige

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 4 décembre 2007 - 360 mots

La carrière de Sir John Everett Millais (1829-1896), cofondateur en 1848 du préraphaélisme, est l’objet d’une importante rétrospective en Angleterre. Entre illuminations et égarements...

L’exposition fait événement à Londres. Depuis 1898, jamais n’avait été réunie la quasi-intégralité des toiles de Sir John Everett Millais. Et plus récemment, il faut remonter à 1967 pour trouver trace de la dernière rétrospective consacrée à l’un des fondateurs de la Confrérie préraphaélite anglaise et grand maître de la peinture britannique du XIXe.

Des œuvres inégales
L’histoire de Millais est d’abord celle d’un prodige accepté à l’Académie royale de peinture à l’âge de onze ans. L’artiste précoce signe d’ailleurs son chef-d’œuvre universel Ophélie en 1851, à vingt-deux ans. Après ce début fulgurant au sein d’une confrérie inspirée par les peintres primitifs italiens ayant précédé Raphaël, incarnation aux yeux des jeunes Anglais du début de la perdition picturale, Millais développe une pratique rapidement couronnée d’un large succès commercial.
L’exposition de quelque cent quarante toiles n’épargne au visiteur aucun de ces tableaux moins inspirants pour le public français que les grandes toiles épiques de ses débuts. D’ailleurs, le parcours londonien s’emploie, avec certaines lourdeurs, à célébrer un artiste plus
progressiste que dans les lectures passées, mais les œuvres restent inégales jusqu’aux derniers paysages tourmentés d’Écosse peints dans un réalisme qui tranche singulièrement, à une époque où les aventures impressionnistes sont écrites de l’autre côté de la Manche.
Ce que l’on retiendra de cette visite ? L’extraordinaire initiation préraphaélite durant une petite décennie pendant laquelle Millais illustre le patrimoine littéraire de Shakespeare, les poèmes contemporains de Keats, la Bible, dans un style naturaliste d’une précision maniaque. Si le mouvement préraphaélite développe son programme sur une cinquantaine d’années, Millais s’en détachera rapidement, éreinté par la critique et soucieux de poursuivre sa peinture dans un contexte plus apaisé. Mais il ne perdra jamais son goût pour l’illustration ni son talent de portraitiste.
Durant toute sa carrière, il alterne les commandes et les allégories, entre références médiévales et contemporanéité. Figure de l’establishment artistique à la fin de sa vie, Millais magnifie dans ses derniers paysages d’Écosse son attrait pour les tourments mélancoliques, des atmosphères plombées qui marquent fortement les dernières salles du parcours.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°597 du 1 décembre 2007, avec le titre suivant : Millais, l’histoire (trop) longue d’un prodige

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